Le tirage au sort en politique

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On pense parfois que l’élection est la seule manière démocratique de nommer des représentants. Pourtant, il y a plus de 2500 ans, les premiers démocrates utilisaient un autre outil : le tirage au sort.

Dans ce dossier, nous explorerons d’abord la relation historique entre démocratie et tirage au sort, puis nous recenserons les cas où il est toujours utilisé dans nos sociétés modernes, avant de nous attarder sur ses modalités de mise en œuvre, et enfin nous listerons les nouveaux modèles de démocratie basés sur le tirage au sort.


1. Histoire du tirage au sort

L’âge d’or

De -507 à -322 av. J.-C., Athènes, la cité-État la plus puissante de Grèce, a fondé la première démocratie connue. C’est à cette occasion que le mot « démocratie » est né, de demos (le peuple) et kratos (le pouvoir).

La démocratie athénienne repose sur trois modes de représentation : le volontariat, le tirage au sort et l’élection. Tout citoyen volontaire peut se présenter aux réunions de l’Ecclésia et participer aux prises de décisions s’il le souhaite. Les membres de la Boulè (organe chargé de préparer les lois avant leur passage à l’Ecclésia) sont tirés au sort, de même que les jurés du Tribunal du peuple (instance qui juge les très nombreuses affaires privées et politiques) et la majorité des magistrats (équivalents de nos ministres actuels). Enfin, quelques postes de magistrats, ceux qui requièrent le plus de compétences (les stratèges militaires et les trésoriers) sont élus par l’Ecclésia.

Le tirage au sort est effectué par une machine, le klérotèrion, devant de nombreux témoins pour assurer l’absence de fraude. En dehors des membres de la Boulè qui sont parfois désignés de force, le tirage au sort se fait sur la base du volontariat.

Si les Athéniens ont recours au tirage au sort, c’est avant tout pour éviter la corruption. Il est impossible d’acheter son poste de magistrat et, inversement, il est difficile de corrompre un citoyen tiré au sort, car ils sont nombreux, se contrôlent mutuellement et sont régulièrement renouvelés.

Athènes n’est cependant pas une démocratie idéale, la petite population citoyenne qui a le loisir de s’adonner aux activités politiques de la cité ne représente que 10 % des 300 000 habitants de l’Attique, lesquels comptent aussi les femmes, les métèques et les nombreux esclaves dénués de droits civiques.

L’ère post-athénienne

Alors que la démocratie athénienne s’effondre en -322, le tirage au sort connaît une seconde vie au sein d’une République romaine en pleine ascension. Il est utilisé pour savoir dans quel ordre les tribus et les centuries votent lors de la réunion des comices (sorte d’assemblée législative). Parce que la plèbe voit une sorte de message divin dans le résultat du hasard, ce système permet une plus grande stabilité des institutions. Mais le rôle du tirage au sort est très anecdotique par rapport à l’importance qu’il avait dans la démocratie athénienne.

Au moyen-âge, le tirage au sort revient sur le devant de la scène dans les cités-États italiennes, à commencer par Venise. Le doge est élu par une succession de grands électeurs tirés au sort parmi les patriciens de la cité, selon une procédure extrêmement complexe. Le tirage au sort est vu comme un moyen d’équilibrer la répartition du pouvoir entre les grandes familles de l’aristocratie et d’éviter la victoire incontestée d’un camp sur l’autre. Il est utilisé pour les mêmes raisons dans la cité de Florence, mais aussi, un peu plus tard, dans la République de Genève, en Suisse.

En dehors de l’Europe, le tirage au sort se retrouve chez certaines tribus indiennes dont le chef est choisi « au hasard » tous les trois ans selon un rituel religieux. Il est également introduit en Chine au XVIe siècle. À la sortie de l’académie impériale, les jeunes diplômés sont affectés à une région par tirage au sort, de manière à empêcher la corruption et les complaisances culturelles, ce qui donne des résultats plus ou moins efficaces.

Les révolutions

Au moment des révolutions américaine et française, le terme « démocratie » est encore associé avec la démocratie athénienne et le tirage au sort. Montesquieu écrit par exemple « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige personne ; il laisse à chacun une espérance raisonnable de servir sa patrie. »

Les révolutionnaires sont, pour la plupart, des partisans de l’aristocratie (élective, mais pas héréditaire) et rejettent les principes de la démocratie. L’élection est vue comme le seul instrument permettant au peuple d’exprimer son consentement à se faire gouverner et, ainsi, d’adhérer au contrat social de Rousseau. Le tirage au sort, quant à lui, est absent des débats.

Au fil du temps, les gouvernements élus vont commencer à se réapproprier le concept de démocratie, avec ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de « démocratie représentative ».


2. Les usages contemporains du tirage au sort

Dans la Ve République

Le tirage au sort n’a pas entièrement disparu de nos institutions. Son impartialité en fait un instrument de choix dans le processus électoral, par exemple pour décider de l’ordre de passage des candidats à un débat télévisé. C’est la Française des jeux qui s’occupe alors de faire les tirages.

Son usage le plus emblématique reste cependant les jurys d’assises. Contrairement à ce que l’on pense, cette pratique ne date pas de la Révolution française, puisqu’elle n’a été introduite qu’en 1980. Les citoyens, lorsqu’ils sont tirés au sort sur les listes électorales, ont le devoir de se présenter en Cour d’Assises pour assurer leur fonction de juré. L’objectif est à la fois de lutter contre la corruption des juges dans les affaires aux enjeux très élevés et de rendre un verdict légitime, même lorsque les faits ne permettent pas d’apprécier la culpabilité d’un accusé.

Un cas d’usage moins connu concerne le Conseil supérieur de la fonction militaire. L’armée n’a pas le droit de se doter de syndicats, elle passe donc par cette structure pour faire évoluer le statut social des militaires et engager un dialogue avec le ministre de la Défense. Les membres du CSFM sont élus au sein de plus petits conseils qui sont eux-mêmes composés de volontaires tirés au sort dans les différentes branches de l’armée. L’objectif du tirage au sort est ici d’éviter les effets néfastes des campagnes électorales et l’apparition de factions politiques au sein de l’armée.

La démocratie délibérative

La démocratie délibérative consiste à donner la parole aux citoyens dans des espaces de discussion libres et éclairés afin de guider la décision publique. Ce concept a notamment été théorisé par Habermas, un philosophe allemand.

Aujourd’hui, la démocratie délibérative connaît un véritable essor à travers le monde. Elle se manifeste par un ensemble de dispositifs dans lesquels des citoyens sont tirés au sort afin d’émettre des recommandations. Citons par exemple quelques assemblées citoyennes célèbres : la Convention citoyenne pour le climat, les assemblées citoyennes irlandaises, ou l’assemblée citoyenne de Colombie-Britannique.

Ces dispositifs sont souvent ad hoc, c’est-à-dire qu’ils sont utilisés pour résoudre un problème en particulier et qu’ils ne perdurent pas dans le système politique. Cependant, on observe quelques cas où la démocratie délibérative parvient à s’institutionnaliser, par exemple : les CIR de l’Oregon, le Dialogue citoyen permanent belge, l’assemblée citoyenne de la ville de Paris, ou encore les commissions délibératives bruxelloises.

Avec la multiplication de ces dispositifs, le tirage au sort revient en force dans nos démocraties représentatives, questionnant parfois la légitimité des élus par rapport aux tirés au sort. Cependant, à de rares exceptions près, les travaux menés par les assemblées citoyennes n’ont qu’une valeur consultative, le poids de la décision revient toujours à un parlement élu.


3. Les modalités pratiques du tirage au sort

La méthode d’échantillonnage

L’échantillonnage est la technique utilisée pour créer un échantillon (les membres d’une assemblée citoyenne, par exemple) à partir d’une population. L’objectif est d’obtenir un « mini-public » le plus représentatif possible de la population. Il existe trois grands types d’échantillonnages :

Sélection aléatoire pure

Il s’agit de la méthode la plus simple : les individus sont tirés au sort parmi l’ensemble de la population sans aucune condition ou quota. Toutefois, la sélection aléatoire pure ne peut générer un échantillon représentatif que si le nombre d’individus tirés au sort est important. En effet, plus l’échantillon s’agrandit, plus la marge d’erreur statistique diminue. Cette méthode a en outre l’avantage d’être simple à utiliser et d’être lisible par l’ensemble des citoyens.

Tirage au sort stratifié

Dans cette méthode, on procède à un premier tirage au sort parmi l’ensemble de la population. On demande aux membres de ce panel de fournir des informations les concernant (âge, genre, etc.), puis on procède à un second tirage au sort de manière à remplir les quotas de l’échantillon final (50% d’hommes et 50% de femmes, par exemple). Le tirage au sort stratifié est fréquemment utilisé dans les assemblées citoyennes car les échantillons sont généralement trop petits pour convenir à la sélection aléatoire pure.

Système mixte

La constitution d’un échantillon peut être couplée à d’autres méthodes de sélection. Par exemple, Pierre-Étienne Vandamme propose de combiner la certification (un examen, par exemple) avec le tirage au sort pour sélectionner les hauts magistrats du pouvoir judiciaire. Ainsi, l’échantillon n’est constitué que de candidats ayant démontré certaines compétences. C’est aussi le cas pour les jurés d’assises qui sont d’abord tirés au sort, puis qui peuvent être récusés par l’avocat de la Défense.

Autres paramètres du tirage au sort

La participation au tirage au sort peut être obligatoire ou basée sur le volontariat. Dans ce dernier cas, on observe ce qui est appelé un biais d’auto-sélection. En effet, la propension à participer n’est pas la même dans toutes les catégories de la population, les plus riches et les plus instruits ont tendance à accepter plus facilement leur mandat que les autres, ce qui crée une distorsion de la représentativité de l’échantillon.

En pratique, puisque rendre le tirage au sort obligatoire est rarement possible, les assemblées citoyennes optent pour un entre deux : les citoyens sont tirés au sort, puis ils ont la possibilité d’accepter ou de refuser leur mandat. Enfin, pour réduire le biais d’auto-sélection, le tirage au sort stratifié est privilégié. Cependant, les « non-volontaires » ne seront jamais représentés avec cette méthode, c’est pourquoi le tirage au sort obligatoire sera toujours plus représentatif.

Le matériel utilisé pour tirer au sort a également de l’importance. L’usage d’un dispositif physique (urne, machine de loto, etc.) est toujours préférable pour donner de la transparence au processus. Cependant, le tirage au sort stratifié nécessite des algorithmes qui doivent nécessairement être utilisés sur un ordinateur. Dans ce cas, il faut s’assurer que les logiciels puissent être vérifiés par des auditeurs externes pour en garantir l’impartialité, sinon, c’est toute la légitimité du tirage au sort qui peut être compromise.


4. Les modèles démocratiques basés sur le tirage au sort

Si le tirage au sort n’est aujourd’hui utilisé que de manière marginale au sein de nos démocraties, de nombreux chercheurs en sciences politiques tentent de le réhabiliter et élaborent des modèles politiques plus ou moins réalistes.

Les modèles présentés dans la liste ci-dessous sont classés du plus réaliste (0) au plus utopiste (10). Le niveau de précision indique si les auteurs fournissent un système clef en main (10) ou se contentent de lister des principes généraux (0). Pour chaque modèle, un lien redirige vers un article plus explicatif.

MODÈLEUTOPISME
(/10)
PRÉCISION
(/10)
RÉSUMÉ
Fondcombe19Mercin Gerwin et Adela Gasiorowska ont élaboré un carcan pour organiser des assemblées citoyennes dont les décisions peuvent, selon leur taux d’approbation, s’imposer ou non aux pouvoirs publics.
Richards et Gastil17Robert Richards et John Gastil ont imaginé un modèle qui dans lequel de nombreux instruments participatifs (panel de conception) et délibératifs (assemblée citoyenne) viennent se greffer à un parlement élu classique.
Zakaras28Alex Zakaras souhaite transformer le Sénat des États-Unis en chambre citoyenne tirée au sort. Son rôle consisterait à exercer un droit de veto sur les propositions de loi de la Chambre des représentants, mais sans pouvoir déposer d’amendements.
Lotocratie européenne38Hubertus Buchstein et Michael Hein proposent de réformer les institutions européennes : tirage au sort des pays d’origine des commissaires européens, répartition par tirage au sort des parlementaires dans les commissions, et création d’une seconde chambre tirée au sort.
Wright & Gastil47Le modèle d’Erik Olin Wright et de John Gastil consiste en un parlement bicaméral mixte : l’assemblée élue propose des lois et l’assemblée tirée au sort les vote. La procédure de tirage au sort est décrite avec précision.
Isegoria & Isonomia53Alex Kovner et Keith Sutherland reprennent les concepts athéniens d’isegoria et d’isonomia pour imaginer un modèle parlementaire dans lequel l’ordre du jour est défini par les citoyens et les lois sont conçues par les élus avant d’être adoptées par un jury citoyen.
Démocratie ouverte51Hélène Landemore imagine un système politique dont les institutions restent à définir, mais qui satisfait à cinq principes : le droit des citoyens à participer, la délibération, la règle de la majorité, une représentation plus large que l’élection et la transparence des gouvernants.
Owen & Smith67David Owen et Graham Smith s’inspirent du Tribunal du peuple athénien pour concevoir un système dans lequel chaque projet de loi est examiné par un jury citoyen tiré au sort pour l’occasion.
Tribunat63Le modèle de John McCormick consiste en l’instauration d’un tribunat inspiré de la Rome antique composé de 51 citoyens tirés au sort, où les citoyens les plus riches sont exclus. Le Tribunat agit comme un contre-pouvoir au sein du Parlement.
Bouricius77Dans le modèle de Terrill Bouricius, les lois sont élaborées par des comités composés de volontaires et votées par un jury législatif de 400 citoyens tirés au sort. Le pouvoir exécutif est nommé, révoqué et contrôlé par des comités de citoyens.
Lotocratie86Alexander Guerrero envisage un système politique composé de 20 à 25 chambres législatives tirées au sort, chacune dédiée à un sujet spécifique (agriculture, santé, etc.). Le processus de délibération est finement décrit.
Wallace98Campbell Wallace a élaboré un système complexe comprenant de nombreuses institutions tirées au sort dans les domaines législatif, exécutif et judiciaire. Le Parlement s’inspire notamment de la Boulè athénienne.
Waldenia97Dans ce modèle de Marcin Gerwin, le pouvoir est séparé entre des panels stratégiques tirés au sort, un gouvernement nommé par ces mêmes panels et un sénat citoyen garant des institutions.
Démarchie104John Burnheim propose de redéfinir entièrement l’organisation de l’État en plusieurs fonctions indépendantes, chacune dirigée par un comité de citoyens tirés au sort parmi une communauté d’intérêts.

Autres modèles

D’autres modèles, non académiques, visent à réformer d’une manière ou d’une autre le fonctionnement de nos démocraties contemporaines, majoritairement basées sur le mécanisme de l’élection.

Le Sénat Citoyen est un projet porté par des citoyens visant à réformer le fonctionnement des institutions de la Ve République. Cette évolution passe notamment par la refonte du Sénat dont les membres ne seront plus élus mais tirés au sort. Ce Sénat citoyen disposera de nombreuses prérogatives pour contrôler le gouvernement et l’Assemblée nationale (dont les membres continueront à être élus). De manière générale, le principe défendu dans le cadre de cette nouvelle Constitution est « pour tout pouvoir constitué, gouvernement et/ou assemblée élue, il doit exister une assemblée citoyenne tirée au sort qui questionne, fait des propositions et contrôle ce pouvoir ». Ce changement s’applique donc aussi aux échelons municipaux et régionaux.

De manière analogue, en Grande-Bretagne, la Sortition Foundation milite pour le remplacement de la Chambre des lords par une chambre citoyenne tirée au sort.

8 réflexions sur “Le tirage au sort en politique

  1. Bonjour,
    Connaissez vous le mot démocraticien? Ce mot n’existe pas, mais s’il existait on pourrait s’en servir pour nommer les personnes tirées au sort pour représenter la Nation face à l’éxécutif.
    Ainsi, les politiciens seraient issus de l’élection, et les démocraticiens de la sortition.
    Bises démocraticiennes.

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    • Bonjour, non je ne suis pas familier avec l’expression « démocraticien », cela dit nous ne sommes plus à un néologisme près. C’est vrai qu’il n’existe pas de mot pour désigner les citoyens tirés au sort. Mais c’est aussi probablement en raison des multiples rôles qu’ils peuvent endosser (jurés, députés, contrôleurs, etc.). On parle parfois de « délibérants » dans le cadre des processus délibératifs, mais les citoyens tirés au sort ne sont pas toujours amenés à délibérer, et les délibérants ne sont pas nécessairement des citoyens tirés au sort. Cela dit, je ne pense pas que lier ce mot à la démocratie soit une bonne idée, cela sous-entends que seul le tirage au sort serait démocratique, en opposition aux « politiciens » élus. Peut-être faudrait-il chercher du côté de la stochocratie, clérocratie, voire du terme utilisé à l’époque de la démocratie athénienne : bouleutes.

      En ce qui concerne votre idée de législatif tiré au sort et d’exécutif élu, cela est notamment abordé dans le modèle de Wallace et de Bouricius (étendu).

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    • Je suis un membre de la Nation et je n’ai pas besoin que des gens que je n’ai pas choisi me « représente » devant l’exécutif. J’ai besoin d’élire l’exécutif et de pouvoir révoquer par référendum. En langue français, les décideurs tirés au sort s’appellent des stochocrates conformément aux règles d’étymologie et c’est très bien ainsi. Pas besoin d’inventer des néologismes propagandistes. « Stochocrate » n’est pas un terme péjoratif: les jurés impliqués dans les justice pénal sont des stochocrates. En démocratie, les stochocrates sont des catégories de mandataires parmi d’autres qui ont leur rôle à jouer. Le bon usage de la stochocratie est fondée sur la stratégie institutionnelle, pas sur l’angélisation des stochocrates ou l’assimilation du tirage au sort à une panacée.

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  2. bonjour
    quelles sont les différents systèmes , procédés , instruments physiques , matériels , utilisés dans les exemples concrets présentés pour procéder au tirage au sort ? notamment pour désigner plusieurs milliers de personnes . Quelle est leur robustesse contre la fraude , le piratage , leur valeur réellement aléatoire ?
    merci .

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    • Bonjour, merci pour vos questions très pertinentes.

      Le matériel utilisé est très variable : à Athènes on utilisait une machine appelée Klérotèrion, à Venise il s’agissait d’une grande urne avec des boules d’or et d’argent, en Chine il s’agissait de jetons, etc. Il est généralement assez difficile de frauder avec un matériel « physique », sauf en Chine où le protocole n’était pas assez élaboré pour éviter la triche. D’ailleurs, à Venise on demandait souvent à un jeune garçon (une main « innocente ») de faire le tirage au sort.

      Dans les usages modernes du tirage au sort, certains protocoles sont physiques (notamment pour la désignation des jurys d’assises avec une machine type loto) et la plupart des autres sont numériques.
      On sait effectivement qu’il n’est pas possible de générer un hasard « parfait » par ordinateur, mais le niveau d’aléatoire est amplement suffisant pour ce genre d’application. En revanche, on peut effectivement dire qu’un protocole numérique est moins transparent qu’un protocole physique, car le citoyen lambda ne peut pas directement vérifier qu’il n’y a pas eu de fraude, il doit se reposer sur des huissiers ou des assesseurs. Seulement, quand il faut tirer au sort un grand nombre de personnes, et compte-tenu des faibles budgets alloués aux expériences de démocratie délibérative, les protocoles numériques sont souvent un bon compromis. Ils sont généralement sous-traités à des instituts de sondages, qui s’occupent aussi de la stratification (qui, elle aussi, rend la procédure moins transparente).
      Jusqu’ici, je n’ai jamais entendu parler de fraude avérée sur ces dispositifs, qu’ils soient numériques ou physique. Quant au piratage, je ne suis pas assez qualifié pour dire dans quelle mesure cela constitue un risque.

      Le problème, c’est qu’en général le tirage au sort n’est pas institutionnalisé, il ne bénéficie donc pas d’un protocole standardisé et résilient face à la fraude. Chacun se débrouille avec ses propres outils dans son coin, aussi imparfaits soient-ils.

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      • Il existe un modèle de tirage au sort standardisé et bien prémunis contre la fraude: le système du loto. Le problème de la stochocratie n’est pas le tirage au sort des mandataires mais le stochocrate lui-même. Comment légitimer le pouvoir d’une personne sur laquelle le peuple n’a aucune emprise? Comment motiver les personnes tirées au sort sans possibilité désistement? Comment s’assurer que les stochocrates tirés au sort par les volontaires agissent dans l’intérêt du peuple plutôt que des lobbies? La stochocratie est possible (voir le modèle de Campbell), pas magique.

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  3. Bonjour,

    Vous parlez souvent de l’influence médiatique qui pourrait biaiser les décisions des citoyens. Avez-vous un système de tirage au sort applicable à la démocratisation des médias ?

    Bien à vous,

    Guillaume Anselme

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    • Bonjour,

      Malheureusement, je n’ai rien lu qui parle spécifiquement de l’utilisation du tirage au sort dans le cadre de la démocratisation des médias. La plupart du temps, les auteurs considèrent que les biais médiatiques seront réduits par l’utilisation d’un processus délibératif complet dans lequel les citoyens auront le temps de faire tomber leurs préjugés (qui viennent de leur expérience et de leur exposition aux médias) en s’informant auprès d’experts et en délibérant entre eux.

      Cela dit, on peut imaginer que le tirage au sort soit utilisé au sein des autorités qui encadrent le secteur médiatique, par exemple le CSA, ou bien un hypothétique Ordre professionnel des journalistes, afin de réduire les situations de conflit d’intérêt et de garantir une certaine indépendance de ces institutions.

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