Projet stochocratie

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Sommaire ↓

1. Introduction

Le projet stochocratie est une proposition qui vise à construire une nouvelle forme de démocratie basée sur le tirage au sort, la participation citoyenne et la compétence de l’exécutif. Il s’agit d’une alternative à nos systèmes politiques contemporains, en proie à une crise de légitimité et une perte de confiance généralisée. Le recours constant à l’élection pour nommer les acteurs du pouvoir a conduit à l’émergence et au renforcement de plusieurs biais : la non-représentativité des élus, les effets pervers des campagnes électorales, les échanges de faveurs, les négociations entre partis, l’influence des intérêts privés sur la politique publique, l’impossibilité de planifier une stratégie au-delà de l’horizon électoral, etc.

La stochocratie, construite à partir des mots grecs « hasard » et « gouvernement », ne s’oppose pas à la démocratie, elle l’approfondit. Il s’agit d’aller plus loin dans l’application des principes sacrés de la démocratie : séparation des pouvoirs, souveraineté populaire, État de droit. Car le tirage au sort est un instrument profondément démocratique qui garantit une stricte égalité et une représentativité.

Ce projet, qui n’est pas mené dans des conditions académiques, cherche à conduire une expérience de pensée : que se passerait-il si nous désignions nos représentants par tirage au sort ? Peut-on imaginer un tel système en action ? Où se situeraient les nouvelles tensions politiques ? Qui détiendrait le pouvoir ? Quelles seraient les dérives potentielles ? Et comment s’en prémunir ? Car, rappelons-le, aucun système n’est parfait, et encore moins lorsqu’il n’a jamais été éprouvé en pratique.

La stochocratie, telle qu’elle est ici développée, constitue la toile de fond du roman d’anticipation politique « République Éclairée ». Il s’agit d’imaginer l’émergence d’une stochocratie en France dans la prochaine décennie. La république éclairée est l’alternative à la doctrine du despotisme éclairé centré autour d’un chef d’État providentiel et disposant de larges pouvoirs.


2. Principes généraux

Avant d’expliquer le fonctionnement des principales institutions de la stochocratie, il convient de se pencher sur les quatre piliers de ce modèle politique.

2.1 La souveraineté populaire : la représentation par tirage au sort

Dans une démocratie, le pouvoir appartient au peuple. Il l’exerce lui-même (démocratie directe) ou par le biais de représentants (démocratie représentative). La démocratie directe est trop radicale pour être appliquée à l’échelle d’un État : on ne peut imaginer soumettre chaque jour un nouveau referendum à l’ensemble des citoyens. Le travail législatif et exécutif nécessite du temps et des moyens, c’est la raison pour laquelle les citoyens délèguent une partie de leur souveraineté à des représentants.

Quand on tire au sort un nombre suffisamment élevé de citoyens, on considère que l’échantillon ainsi constitué est représentatif de la population dans son ensemble. Ainsi, quand cette assemblée délibère, elle tient compte de toute la diversité sociale, démographique et politique de la population dont elle est issue. À la lumière de leur vécu, les citoyens tirés au sort expriment leur intime conviction qui, lorsqu’elle s’ajoute aux autres, forme un tout plus grand que la somme des parties.

Ces phénomènes sont actuellement très étudiés dans le cadre des processus délibératifs où des citoyens tirés au sort sont amenés à émettre des recommandations à destination des pouvoirs publics.

2.2 La séparation des pouvoirs : émergence d’un quatrième pouvoir populaire

La stabilité d’un système démocratique tient dans la séparation des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Or, dans plusieurs démocraties modernes, dont la France, on peut constater des entorses majeures à ce principe : les liens politiques entre le législatif et l’exécutif, la faculté pour le chef de l’État de nommer les juges suprêmes, les compromis politiques entre partis, etc.

Pour séparer les pouvoirs, deux doctrines existent : soit ils sont indépendants les uns vis-à-vis des autres, soit ils ont chacun la faculté de renverser l’autre. La stochocratie emprunte à ces deux conceptions : chaque pouvoir agit avec une pleine autonomie, sans être limité par les autres forces politiques, mais en retour il peut être destitué par le peuple. En effet, puisque celui-ci ne peut plus s’exprimer à l’occasion des élections, il doit conserver un moyen d’agir sur la sphère politique de manière institutionnelle.

2.3 La vulgarisation législative : rendre la loi plus lisible

La plupart des démocraties actuelles rencontrent un phénomène commun : l’inflation législative. Les lois se multiplient et se complexifient sur tous les domaines. Les députés tirés au sort ne pouvant acquérir les compétences nécessaires à la parfaite compréhension des projets de loi, ceux-ci doivent être préalablement vulgarisés par le pouvoir exécutif.

Ainsi, dans la stochocratie, le pouvoir exécutif prépare un « projet » qui explique en des termes clairs et non techniques les objectifs de sa réforme ainsi que les moyens nécessaires à mettre en œuvre. Les impacts sont estimés et corroborés par des études scientifiques ou des exemples de cas similaires. Le pouvoir législatif se prononce ensuite sur ce projet vulgarisé, puis une autre institution est chargée de le traduire en textes de loi, en règlements ou en révision constitutionnelle. Ces textes sont ensuite soumis au vote final du pouvoir législatif qui les adopte ou les rejette.

Cette vulgarisation législative permet non seulement aux députés de mieux comprendre les enjeux en question, mais offre aussi cette capacité à l’ensemble des citoyens, diminuant ainsi la distance qui les sépare de la sphère politique. Le législatif conserve son entière souveraineté sur l’adoption des lois, puisqu’il les vote en deux temps : les projets vulgarisés d’abord, les textes définitifs ensuite.

2.4 La suppression de l’amendement législatif : favoriser des réformes cohérentes

L’inflation législative précédemment décrite résulte souvent de l’usage abusif des amendements et des multiples compromis politiques. En voulant satisfaire les différentes forces politiques en présence, un projet initialement cohérent se retrouve démembré puis réassemblé avec de nouveaux morceaux, de sorte qu’il n’a plus rien à voir avec le projet initial. Les lois adoptées sont donc souvent des patchworks qui contiennent des incohérences, qui sont mal écrites, qui ne laissent plus de matière d’interprétation au juge, et qui sont amenées à être abrogées dans un futur proche.

Or, la stabilité et la cohérence du droit sont nécessaires à la prospérité de l’État et de ses justiciables. Ainsi, dans la stochocratie, le pouvoir législatif ne dispose pas de la faculté d’amender les projets qui lui sont soumis ; soit il les accepte dans leur intégralité, soit il les rejette. Les discussions législatives ne portent donc pas sur la manière de remodeler un projet, mais dans l’étude de son opportunité pour le pays et ses citoyens. Cela est d’autant plus cohérent que les députés tirés au sort ne disposent ni des compétences ni de l’expérience pour être en capacité de proposer des amendements. Seul le pouvoir exécutif est en mesure de modifier le projet qu’il a soumis au vote du législateur.


3. Pouvoir législatif

Le pouvoir législatif est l’ensemble des institutions qui concourent à l’adoption des lois. Il est composé de l’Assemblée nationale qui vote les lois, le Sénat qui contrôle les lois, et le Forum citoyen qui propose des lois.

3.1 L’Assemblée nationale : un échantillon du peuple

ENTRÉEACTIONSSORTIE
🏛 Composition : 500 députés

✋🏼 Critères d’admission : majeur capable

🗳 Mode de désignation : tirage au sort

Durée du mandat : de 1 à 5 ans
📝 Rôles : voter les lois

Pouvoirs : poser des questions écrites à l’exécutif
👋🏼 Démission : impossible (sauf cas exceptionnels)

👉🏼 Révocation : en cas d’enfreinte du règlement intérieur

Dissolution : dans le cadre de la procédure de dissolution conjointe

L’Assemblée nationale est composée de 500 députés tirés au sort pour une durée de 1 à 5 ans. Elle seule dispose de la souveraineté en matière législative. En dehors des situations exceptionnelles (voir Comité d’urgence), toutes les lois doivent être votées par l’Assemblée nationale. La procédure de sélection des députés s’éloigne drastiquement des démocraties modernes basées sur l’élection, elle suppose une nouvelle organisation et une autre manière d’appréhender la délibération.

Le tirage au sort des députés

La légitimité de l’Assemblée nationale, en tant que « mini-public », dépend grandement de la procédure utilisée pour le tirage au sort des députés. En effet, le moindre soupçon de fraude dans la manière de sélectionner aléatoirement les citoyens briserait la confiance du peuple dans les institutions de la stochocratie.

Afin de remédier à ce problème, la procédure doit se dérouler en public et avec un mécanisme physique directement observable par les citoyens. Chacun d’entre eux dispose d’un numéro électif auquel est associée un condensat. Le numéro électif est attribué par l’État lors de la majorité, et est retiré en cas de décès ou d’inéligibilité (à l’occasion d’une sanction pénale, par exemple) ; chaque numéro est unique. Le condensat est le résultat d’une fonction de hachage de plusieurs données personnelles : date et lieu de naissance, prénom, nom de naissance, etc. Un registre ouvert au public permet de consulter la liste de tous les numéros électifs et les condensats associés. Lors de la cérémonie, on tire au sort des numéros électifs (avec un système qui peut être similaire à celui utilisé pour le loto). Ainsi, les citoyens tirés au sort restent anonymes tant qu’ils n’ont pas formellement accepté leur mandat. Ultérieurement, le registre permet à n’importe qui de vérifier que le condensat associé au numéro électif de chaque député correspond bien au résultat de la fonction de hachage (les données personnelles des députés sont en effet rendues publiques).

Un tirage au sort peut s’effectuer selon deux grandes modalités : la sélection aléatoire pure, ou la stratification. Cette seconde option consiste à définir des quotas afin d’assurer la représentativité de l’échantillon par rapport aux critères choisis (démographiques, socio-économiques, politiques, etc.). Le problème réside dans le choix de ces critères : il est impossible de tous les dénombrer et en choisir quelques-uns revient à exclure tous les autres. Ainsi, la décision d’opter pour ces critères modifie la composition de l’Assemblée nationale et pourrait également faire l’objet de suspicions de fraude. Pour cette raison, la sélection aléatoire pure est privilégiée dans le modèle de la stochocratie : puisque les députés sont nombreux (500), ne choisir aucun critère est une solution impartiale qui présente un taux de marge d’erreur relativement faible. Simplifier la procédure la rend plus lisible et contribue à renforcer la légitimité des tirés au sort.

Contrairement au tirage au sort des jurés d’Assises, les citoyens ont ici le choix d’accepter ou de refuser leur mandat lorsque leur numéro électif est tiré au sort. Leur imposer cette charge permettrait une meilleure représentativité de l’Assemblée nationale, mais conduirait aussi certains citoyens réfractaires à une forte démotivation, voire à des séquelles psychologiques. Dans le cas des jurés d’Assises, la mission est courte, on peut donc contraindre les citoyens à y prendre part sans que cela les affecte ; le mandat de député, quant à lui, dure une année au minimum, obligeant les citoyens à changer radicalement leur mode de vie. Ainsi, le citoyen-député doit consentir à l’accomplissement de son devoir.

Plusieurs biais peuvent conduire les citoyens à refuser leur mandat. Or, pour assurer un maximum de représentativité de l’Assemblée nationale, la stochocratie a intérêt à limiter ces biais. Tout d’abord, la situation économique des citoyens qui deviennent députés peut évoluer négativement (déménagement, coût de la vie plus élevé dans la capitale, perte de salaire et d’expérience sur le marché du travail, etc.), une rémunération confortable et un logement de fonction doivent donc être attribués aux députés afin qu’ils ne refusent pas leur mandat pour des raisons strictement financières. Ensuite, le manque d’informations sur la mission du député peut conduire un certain nombre de citoyens à sortir de la procédure. L’État doit donc investir dans des campagnes de communication avant chaque tirage au sort et accompagner les citoyens afin de leur expliquer personnellement les termes du mandat qui s’offre à eux.

Des mandats à durée variable

Lorsqu’ils viennent d’être tirés au sort, les citoyens sont très vulnérables aux influences extérieures. Si l’Assemblée nationale était intégralement renouvelée tous les ans, il suffirait à des fonctionnaires peu scrupuleux d’enseigner aux citoyens les pratiques qui avantagent leurs intérêts. Pour éviter cet écueil, la transmission du savoir-faire politique et législatif doit se faire entre députés seniors et députés juniors. Ainsi, ils restent parfaitement autonomes vis-à-vis de l’équipe administrative qui assiste l’Assemblée nationale.

À cette fin, les mandats de député durent une année et peuvent être renouvelés jusqu’à atteindre un maximum de cinq ans. Ce dispositif offre à la fois une porte de sortie aux députés qui souhaitent rapidement quitter la fonction pour retourner dans la vie civile, et une opportunité de mandat long pour les citoyens qui se découvrent une vocation dans la conduite des affaires législatives. Tous les ans, les sièges des députés qui choisissent de ne pas renouveler leur mandat sont ainsi remis au sort, et les députés entrants bénéficieront des conseils des députés toujours présents (qui disposent donc d’au moins une année d’ancienneté). Ce mécanisme est également présent dans le modèle de Wright et Gastil.

La formation initiale

Même en bénéficiant de l’expérience des députés plus anciens, les nouveaux ne peuvent entrer en fonction sans disposer d’un minimum de connaissances. Avant leur arrivée à l’Assemblée nationale, sur une durée d’un mois, ils suivent donc un cursus pédagogique articulé autour de trois axes : le fonctionnement des institutions, la délibération, et la rhétorique.

Il est indispensable que les députés maîtrisent le fonctionnement de la stochocratie et comprennent le rôle de l’Assemblée nationale vis-à-vis des autres institutions. Une étude de la Constitution et la visite des différents centres de pouvoirs de la stochocratie semblent être de bons moyens d’améliorer la compréhension des députés sur ce point.

La force et l’intérêt de l’Assemblée nationale résident dans la capacité des députés à produire une opinion éclairée sur les projets que l’exécutif lui soumet. Cette opinion résulte pour partie de l’expérience personnelle de chacun et pour partie de la qualité des délibérations qui ont lieu dans l’hémicycle. Ainsi, il est primordial que les députés soient formés aux bonnes pratiques de la délibération : savoir s’exprimer en grand ou petit comité, éviter d’intervenir lorsqu’on n’a rien de pertinent à apporter, respecter les avis divergents, ne pas chercher à convaincre les autres, remettre en question ses propres positions, faire tourner la parole vers ceux qui s’expriment le moins en évitant de la monopoliser, etc.

L’Assemblée nationale demeure un centre de pouvoir important, et il est évident que de nombreux intérêts privés chercheront à influencer la prise de décision des députés. Le pouvoir exécutif, en premier lieu, poussera les députés à l’adoption de ses projets. Des tribuns médiatiques, des lobbyistes, d’autres députés charismatiques, des manifestations ou des associations reconnues chercheront aussi à faire peser la décision d’un côté ou de l’autre en fonction de leurs intérêts. Il est donc nécessaire d’armer les députés pour que ces influences externes ne deviennent pas leur unique source de prise de décision et que ceux-ci conservent un minimum de libre arbitre. Les initier à l’art de la rhétorique leur permet de séparer les idées véritables des mots mielleux et des raisonnements piégeurs de leurs interlocuteurs.

Le processus délibératif

Les délibérations de l’Assemblée nationale s’organisent en plusieurs étapes :

  1. Le projet est présenté aux députés en séance plénière. Ceux-ci disposent du texte complet. La présentation est assurée par des sénateurs pour un maximum d’objectivité, mais les membres de l’exécutif peuvent intervenir pour apporter des éventuelles corrections.
  2. Les députés se réunissent en petits groupes (de cinq, par exemple) dont la composition est obtenue par tirage au sort. Ainsi, on évite le regroupement par affinité et l’on favorise la confrontation d’avis divergents. Après discussion, les groupes listent toutes les questions et les remarques à formuler aux concepteurs du projet.
  3. Lorsque la séance est terminée, les députés disposent d’un temps réservé aux travaux parlementaires. Ils ont alors accès à une large documentation et à de nombreuses ressources qui leur permettent de mener les recherches complémentaires, seuls ou avec les députés de leurs choix. On peut par exemple imaginer que les séances en hémicycle se déroulent le matin et que l’après-midi est consacrée à ces travaux libres.
  4. Dans une séance ultérieure, l’exécutif apporte toutes les réponses qu’il juge utiles aux députés et indique, le cas échéant, la manière dont le projet a été modifié depuis la dernière présentation.
  5. Les députés doivent ensuite répondre à la question suivante : « Disposez-vous d’un avis suffisamment éclairé pour vous prononcer sur le projet, ou souhaitez-vous poser des questions complémentaires à l’exécutif ? ». On cherche ici à savoir si les députés se sentent prêts à donner un avis définitif sur le projet au regard de sa complexité, des recherches qu’ils ont effectuées lors des travaux parlementaires et des éléments de réponse apportés par l’exécutif. Un taux « d’avis éclairé » doit être fixé, par exemple 80 %, en dessous duquel le vote final ne peut avoir lieu, et où le processus est renvoyé à l’étape no 2. À l’inverse, si plus de 80 % des députés s’estiment prêts, alors le processus passe à l’étape suivante.
  6. Les députés se prononcent sur l’adoption ou le rejet du projet. Le scrutin se déroule à la majorité simple, le vote est obligatoire pour tous les députés et se déroule à bulletin secret. Le vote blanc et l’abstention sont interdits, de manière à légitimer l’issue du scrutin.
  7. Lorsque la chambre législative a rédigé les textes de loi correspondant au projet voté, ils sont présentés aux députés par les sénateurs lors d’une séance plénière.
  8. L’Assemblée nationale se prononce ensuite sur l’adoption ou non des textes de loi. Un refus entraîne une modification des textes par la Chambre législative, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale les accepte. L’Assemblée peut également décider d’abandonner définitivement le projet (si le contexte initial a changé, par exemple).

Les chambres réduites

Selon les caractéristiques des projets déposés par l’exécutif, l’Assemblée nationale se réunit soit en chambre plénière, soit en chambre réduite. Celles-ci ne comportent qu’une fraction des députés, par exemple un cinquième, ce qui donne cinq chambres de 100 députés. Elles sont composées par tirage au sort une fois par an, après le changement de législature.

Chaque chambre réduite est spécialisée dans un domaine législatif particulier : affaires économiques, affaires sociales, etc. Un projet est affecté à une chambre réduite s’il satisfait à deux conditions : il rentre dans le cadre de son objet, et il est considéré comme ayant un impact mineur. C’est le Sénat qui apprécie si un projet remplit ou non ces conditions. Les chambres réduites délibèrent et votent dans les mêmes conditions que la chambre plénière.

Ce dispositif permet de désengorger la chambre plénière qui ne se prononce plus que sur les projets transversaux aux impacts majeurs. Les députés gagnent ainsi un temps précieux qu’ils peuvent employer dans leurs travaux parlementaires. D’autre part, chaque député tend à se perfectionner dans l’une des cinq spécialités législatives, ce qui favorise l’intelligence collective lors de l’étude de projets transversaux.

Règlement intérieur

L’Assemblée nationale dispose d’un Règlement intérieur qui récapitule toutes les dispositions relatives au fonctionnement interne de l’institution, la tenue des délibérations, le comportement et la déontologie des députés, ainsi que les sanctions disciplinaires applicables en cas de faute.

La révision du Règlement intérieur nécessite une approbation de l’Assemblée nationale d’une part, et du Sénat d’autre part. L’application du Règlement intérieur est confiée à des juges caméraux qui assistent à toutes les séances de l’Assemblée nationale et qui peuvent sanctionner les députés, voire interrompre les séances en cas de manquement au Règlement. Les députés peuvent faire appel de ces décisions auprès du Conseil de la magistrature.

Procédure de dissolution conjointe

Cette procédure, à l’initiative des citoyens, consiste à dissoudre simultanément le Conseil des ministres, l’Assemblée nationale, et le Conseil de la magistrature. La procédure se déroule de la manière suivante :

1. Une proposition de dissolution conjointe doit être déposée par tout citoyen intéressé sur la plate-forme du Forum citoyen.

2. Pendant un mois, les citoyens peuvent apporter leur soutien à la proposition. Il ne peut exister plus d’une proposition de dissolution conjointe en cours.

3. Un seuil doit être défini, par exemple 50 % des citoyens majeurs, au-delà duquel la proposition est adoptée. Si le seuil n’est pas atteint dans la durée d’un mois, la proposition est abandonnée.

4. Les membres des différentes institutions dissoutes sont remplacés dès que leurs successeurs ont été nommés dans les règles constitutionnelles propres à chacune d’entre elles.

Cette procédure exceptionnelle offre une porte de sortie en cas de crise institutionnelle sévère de la stochocratie. Cela pourrait notamment être le cas si plusieurs incidents remettaient en cause la légitimité des institutions, ou que le contexte politique était particulièrement défavorable. La dissolution est simultanée pour permettre la régénération des trois pouvoirs et les laver des accusations qui pèsent sur eux et sur l’ensemble du système politique.

La procédure est complexe à mettre en œuvre (le seuil d’approbation doit le garantir), car elle induit une certaine instabilité du pouvoir, notamment à l’Assemblée nationale qui perd le bénéfice de son système de rotation progressive des mandats et l’expérience des députés seniors. Mais les institutions secondaires restent en place au sein de chaque pouvoir : le Sénat pour le législatif, la Chambre législative pour le judiciaire, et l’ensemble des secrétaires d’État pour l’exécutif.

3.2 Le Sénat : les sages garants des institutions

ENTRÉEACTIONSSORTIE
🏛 Composition : 100 sénateurs

✋🏼 Critères d’admission : ancien député

🗳 Mode de désignation : candidature et tirage au sort

Durée du mandat : 5 ans
📝 Rôles : garantir le bon fonctionnement des institutions, s’assurer de l’indépendance de l’Assemblée nationale

Pouvoirs : contrôle des projets en amont, présidence de l’Assemblée nationale et définition de son ordre du jour
👋🏼 Démission : possible à tout moment

👉🏼 Révocation : en cas d’enfreinte du règlement intérieur, ou sur décision du Sénat à la majorité des ¾

Dissolution : impossible

Le rôle du Sénat dans la stochocratie diffère radicalement de celui de la Ve République. Composé d’anciens députés tirés au sort, il incarne une certaine sagesse citoyenne et agit en amont de l’Assemblée nationale afin de contrôler les projets de l’exécutif ainsi qu’en garantissant l’indépendance des autres institutions.

Les sénateurs, des hommes et femmes d’État

Le Sénat accueille en son sein les députés qui sont allés au terme de leur mandat de cinq ans. Compte tenu de l’intensité du travail législatif et des sacrifices personnels nécessaires, on peut imaginer que seule une petite proportion de députés choisissent de consacrer cinq années de leur vie à l’État : ceux qui se sont trouvé une vocation et qui ont fait preuve d’abnégation et de détermination. En cela, il s’agit d’un filtre naturel qui sélectionne les plus aptes à exercer la fonction de sénateur.

La procédure de sélection dépend du nombre de députés parvenus au terme de leur mandat et du nombre de sénateurs en fonction. Deux hypothèses peuvent ainsi se dégager :

  1. S’il y a plus de sièges à pourvoir que de candidats éligibles, alors tous les candidats accèdent à la fonction de sénateur.
  2. S’il y a plus de candidats que de sièges à pourvoir, dans ce cas les sénateurs étudient les candidatures des députés, notamment à la lumière des éventuelles infractions au règlement intérieur qu’ils auraient pu commettre, de leur assiduité aux travaux parlementaires et aux séances, de leur motivation, et de leur connaissance du fonctionnement des institutions. Des auditions publiques entre sénateurs et candidats sont prévues. Les sénateurs doivent retenir un nombre de candidats équivalent à un multiple (2, par exemple) du nombre de sièges à pourvoir. Les sièges sont ensuite attribués par tirage au sort parmi les candidats ainsi retenus.

L’utilisation du tirage au sort empêche le Sénat de choisir directement les futurs sénateurs, ce qui s’apparenterait à une procédure de cooptation, susceptible de créer un groupe fermé disposant de critères d’entrée officieux. Mais la possibilité offerte au Sénat de sélectionner les candidatures lui permet tout de même d’écarter celles qui sont manifestement incompatibles avec l’exercice de leur fonction.

Les commissions sénatoriales

Les projets élaborés par l’exécutif sont déposés au Sénat avant d’être étudiés par l’Assemblée nationale. Chaque projet est affecté à une commission sénatoriale lors des séances plénières du Sénat. Cinq commissions sont spécialisées sur un domaine législatif (les mêmes thèmes que les cinq chambres réduites de l’Assemblée nationale), et cinq autres sont de portée générale. Une fois par an, après l’intégration des nouveaux sénateurs, les membres des commissions sont tirés au sort.

La commission détermine dans un premier temps si le projet doit être confié, en vertu de son importance et de sa transversalité, à la chambre plénière de l’Assemblée nationale ou à une chambre réduite. Ensuite, les membres de la commission vérifient la constitutionnalité du projet. Si des mesures ne sont pas conformes à la Constitution, et après avis technique de la Chambre législative, le Sénat a la faculté de renvoyer le projet à l’exécutif. Le Sénat ne peut user de ce droit qu’une seule fois par projet, pour éviter le blocage du processus législatif. Il n’est pas applicable si le projet prévoit expressément une révision constitutionnelle.

Les membres de la commission étudient ensuite le projet dans son intégralité (le travail peut être divisé entre les différents sénateurs) avec le concours de fonctionnaires rattachés au Sénat. S’ils décèlent des incohérences notables ou des inexactitudes graves dans le projet, ils en avertissent l’exécutif. Ils présentent ensuite le projet aux députés de l’Assemblée nationale et font part des réserves évoquées précédemment s’ils en ont.

La commission sénatoriale continue ensuite de participer à toutes les séances qui incluent le projet jusqu’à l’adoption des textes de loi.

Présidence et agenda de l’Assemblée nationale

Toutes les séances de l’Assemblée nationales sont présidées par un sénateur qui ne fait pas partie des commissions présentes. La fonction de président est attribuée pour un jour seulement par tirage au sort parmi les sénateurs disponibles.

L’ordre du jour de l’Assemblée nationale est déterminé par le Sénat. Une des cinq commissions générales est tirée au sort chaque mois afin de préparer le calendrier des séances. Cette commission, tant qu’elle occupe ce rôle, ne peut être désignée pour suivre de nouveaux projets et ses membres ne peuvent être nommés à la présidence de l’Assemblée nationale. L’agenda ainsi élaboré doit ensuite être approuvé par le Sénat en séance plénière pour être exécuté.

La définition de l’ordre du jour est un processus important qui est trop complexe pour être délégué à l’Assemblée nationale et trop sensible pour être confié à l’exécutif. Ainsi, le Sénat joue un rôle prépondérant dans l’organisation des séances de l’Assemblée nationale, sans pour autant influer sur le processus décisionnel des députés.

En outre, le Sénat élit en son sein un président au jugement majoritaire qui siège pour un an. Celui-ci préside et arbitre les délibérations du Sénat quand il est réuni en séance plénière. Il définit également l’ordre du jour du Sénat.

Tutelle de la DRIST

La Direction du Renseignement Institutionnel (DRIST) est un service de renseignement semi-autonome placé sous la tutelle du Sénat. Sa mission consiste à surveiller l’ensemble des institutions de la stochocratie selon un degré de surveillance prévu dans la Constitution. On peut par exemple imaginer que les membres du Conseil des ministres fassent l’objet d’une surveillance rapprochée compte tenu du pouvoir décisionnel important qu’ils détiennent. Cette surveillance vise à se prémunir contre la corruption et le lobbying non déclaré.

Le Sénat nomme et révoque les directeurs de la DRIST. Celle-ci ne représente qu’un service de renseignement, elle ne dispose d’aucune prérogative pour mener des interventions. Les rapports de surveillance sont envoyés simultanément au Sénat et au Conseil de la magistrature. Seul ce dernier est en mesure d’instruire une enquête officielle et de confier le jugement des faits relevés à la juridiction compétente.

3.3 Le Forum citoyen : un haut lieu de participation

Le Forum citoyen n’est pas une institution formellement définie comme l’Assemblée nationale ou le Sénat. Il s’agit d’un outil qui permet à tous les citoyens de participer à la vie politique en proposant des projets législatifs.

Les idées du peuple

Le Forum citoyen est une plate-forme dématérialisée, accessible à l’ensemble des citoyens (y compris les mineurs). Au sein de cet espace, chacun peut déposer des propositions citoyennes sur tout sujet d’ordre réglementaire, législatif ou constitutionnel. Il peut s’agir d’un projet complet ou bien d’une idée plus embryonnaire. Ces propositions sont ensuite transmises à l’exécutif qui peut les rejeter ou s’en saisir.

L’expression des citoyens est une composante fondamentale de la démocratie. Puisqu’ils ne votent plus pour élire des représentants, une autre forme d’expression citoyenne doit être pensée. Le vote est un instrument limité, car il invite souvent les électeurs à se prononcer sur des questions qu’ils n’ont, ni le temps, ni les moyens d’étudier convenablement. Laisser les citoyens exprimer librement leurs idées sur ce Forum est un moyen plus efficace de tirer parti de l’intelligence citoyenne (qu’elle soit individuelle ou collective).

On peut anticiper une certaine variété dans les contributions apportées par les citoyens : des propositions ubuesques, irréalisables, trop simplistes, ou bien au contraire des propositions pleines de bon sens qui viennent du terrain, des projets portés par des associations ou des partis politiques, mais aussi par des entreprises et des lobbyistes. Toutes ces propositions étant publiques, le Forum citoyen devient le lieu officiel du débat public. Les citoyens peuvent y commenter, discuter et soutenir les différentes propositions par leur signature (à la manière d’une pétition).

Bien entendu, la participation au Forum citoyen demeure coûteuse en temps et en énergie ; il ne peut intéresser qu’une fraction de la population. Il revient à l’État de consacrer un budget approprié aux actions de communication autour de cette plate-forme. Plusieurs réunions locales peuvent également être organisées afin de discuter certaines propositions citoyennes en cours. Afin d’encourager la participation, des récompenses honorifiques civiles (médailles, titres, distinctions, etc.) peuvent être attribuées aux citoyens les plus actifs (par exemple lorsque leur proposition a suivi tout le processus législatif et est entrée en vigueur, ou bien lorsqu’ils obtiennent tant de signatures d’autres citoyens, etc.).

Les conditions d’éligibilité des propositions

Un certain nombre de conditions sont définies dans la Constitution ; seules les propositions qui les remplissent sont transmises à l’exécutif. En premier lieu, il existe un seuil de signature en dessous duquel la proposition n’est jamais étudiée (1 000 signatures par exemple), ceci afin d’éviter la surcharge de travail dans le contrôle des propositions. Cela garantit également que les propositions examinées disposent d’un minimum de sérieux.

En second lieu, un Comité de citoyens tirés au sort (par exemple 50 citoyens renouvelés tous les mois) contrôle les propositions à la lumière de plusieurs critères. À titre d’exemple, la Constitution peut exiger des propositions qu’elles soient :

  1. Intelligibles, c’est-à-dire compréhensibles par tous ;
  2. Constructives, c’est-à-dire qu’elles doivent proposer une solution concrète et ne pas se contenter d’établir un diagnostic ;
  3. De la compétence de l’Assemblée nationale (et non d’un pouvoir local ou supranational par exemple) ;
  4. Nouvelle, c’est-à-dire qu’aucune proposition similaire ne doit être en cours d’étude par l’exécutif ou le législatif, et qu’aucune proposition similaire ne doit avoir été refusée par l’exécutif il y a moins de 3 mois.

Les propositions renforcées

Les propositions qui ne dépassent pas les 1 000 signatures restent sur le forum citoyen pendant 12 mois avant d’être supprimées. Lorsque le seuil est atteint et que le Comité citoyen a validé la proposition, un délai d’un mois se met à courir durant lequel les autres citoyens continuent de soutenir la proposition avec leur signature. Si la proposition atteint un second seuil, par exemple 500 000 signatures, elle devient « renforcée ».

Les propositions renforcées ne peuvent être rejetées par l’exécutif. Celui-ci a l’obligation de la mettre à son agenda et d’y apporter les approfondissements nécessaires. Le ou les citoyens à l’origine de la proposition disposent d’un droit de regard sur le projet établi par l’exécutif : s’ils estiment qu’il n’est pas conforme à la proposition initiale, ils en expliquent les raisons qui seront annexées au projet et transmises à l’Assemblée nationale.

Ce mécanisme de proposition renforcée ajoute une composante de démocratie directe dans la stochocratie, puisque les citoyens peuvent imposer un point à l’agenda de l’exécutif et du législatif. La définition du second seuil de signature dépend de la population et de la popularité du Forum citoyen. Il ne doit être ni trop élevé (auquel cas il ne serait jamais mis en œuvre), ni trop bas pour éviter une totale perte de contrôle de l’exécutif dans la définition de la stratégie de l’État et dans la conduite de sa politique.

Quel que soit le type de proposition citoyenne, c’est toujours l’Assemblée nationale qui se prononce in fine sur l’adoption des textes. Pour éviter que l’exécutif ne sabote les propositions renforcées (en les rendant irréalisables par exemple), l’Assemblée nationale peut refuser de voter le projet (cette décision est prise après le vote sur l’avis éclairé des députés). Auquel cas, la cellule-projet est dissoute et la proposition citoyenne est confiée à une autre équipe en vue d’être ultérieurement présentée à l’Assemblée nationale.


4. Pouvoir exécutif

Dans la stochocratie, le pouvoir exécutif ne fonctionne pas de manière aussi hiérarchique que dans les démocraties modernes. Il s’agit d’un régime directorial qui contient une structure par projet horizontale. Régime directorial puisque la tête de l’exécutif est un organe composé de plusieurs membres : le Conseil des ministres. Structure par projet puisque les secrétaires d’État peuvent spontanément créer des groupes de travail (les cellules-projet) afin d’amorcer de nouvelles réformes.

4.1 Les secrétaires d’État : une élite sous contrôle

ENTRÉEACTIONSSORTIE
🏛 Composition : 20 à 100 secrétaires d’État par ministère

✋🏼 Critères d’admission : pas de casier judiciaire, pas de conflits d’intérêts

🗳 Mode de désignation : certification (examen) et tirage au sort

Durée du mandat : 10 ans
📝 Rôles : amorcer les projets législatifs, diriger leur ministère via les Comités d’administration

Pouvoirs : créer des cellules-projet, convoquer une assemblée ad hoc, adopter les règlements, nommer et révoquer les hauts fonctionnaires de leur Administration
👋🏼 Démission : possible à tout moment

👉🏼 Révocation : en cas d’enfreinte du règlement intérieur, ou par un jury sénatorial

Dissolution : impossible

Les secrétaires d’État constituent la base du pouvoir exécutif. Chacun d’entre eux est rattaché à un ministère et est donc sous l’autorité d’un ministre. Les secrétaires d’État ont un double rôle : d’une part, diriger et administrer leur ministère quand ils se réunissent en Comité d’administration, et d’autre part amorcer de nouveaux projets en créant spontanément des cellules-projet.

Procédure d’admission : examen et tirage au sort

Le nombre de secrétaires d’État est variable selon l’importance de l’administration concernée, et peut par exemple s’échelonner de 20 à 100 secrétaires d’État par ministère ; leur nombre total pourrait ainsi s’échelonner de 500 à 800. C’est l’Assemblée nationale qui fixe leur nombre par le biais des budgets annuels qu’elle vote.

Pour être admis à l’exécutif, un secrétaire d’État doit suivre une procédure qui comporte deux volets successifs. Tout d’abord, il passe un examen qui vise à évaluer des compétences techniques propres au ministère visé. On peut par exemple imaginer qu’un candidat souhaitant intégrer le ministère de l’Économie devra démontrer certaines connaissances en macroéconomie, en gestion, en fiscalité, etc. Puisque les secrétaires d’État sont amenés à travailler régulièrement en équipe, des compétences managériales sont également attendues : capacité à travailler en groupe, à présider un groupe, à valoriser la position du groupe plutôt que sa position personnelle, etc. Enfin, leur profil psychologique est aussi examiné afin de sélectionner les candidats qui valorisent la discussion, qui savent se remettre en question, et qui n’ont pas une appétence démesurée pour le pouvoir.

La procédure d’examen est conçue par l’Académie d’État, une autorité indépendante dont les membres sont sélectionnés selon une procédure rigoureuse mêlant élection et tirage au sort (semblable à celle du Conseil de la magistrature). Ses membres sont composés d’anciens sénateurs, d’anciens juges caméraux, et de professeurs appartenant à différentes spécialités.

Les candidats au poste de secrétaire d’État sont jugés par un jury composé de membres de l’Académie d’État. Une partie de l’examen est écrite, l’autre se déroule à l’oral. Les membres du jury ne connaissent l’identité du candidat à aucun stade de la procédure. L’examen est aussi long que nécessaire pour permettre aux membres du jury de se forger un avis définitif. À noter que le cursus et les expériences passées du candidat ne jouent pas dans l’attribution de l’examen.

Les positions de secrétaire d’État sont ensuite attribuées par tirage au sort parmi les candidats titulaires de l’examen. Celui-ci n’est valable que pour une durée limitée, 1 an par exemple. Ainsi, l’exécutif peut nommer de nouveaux secrétaires d’État dès qu’un besoin se fait sentir (démission ou révocation d’un secrétaire d’État, augmentation du nombre maximal de secrétaires d’État, etc.).

Cette double procédure (certification + tirage au sort) est proche de certaines solutions sur lesquelles travaillent des chercheurs en science politique pour nommer les hauts magistrats. Elle permet d’un côté de garantir un niveau de compétence minimal et de l’autre d’empêcher la corruption des examinateurs en rajoutant un facteur hasard après l’examen. On peut donc s’attendre à ce que les secrétaires d’État accèdent à leur fonction grâce à leur compétence plutôt qu’à leur influence.

Les cellules-projets : structure horizontale

Les secrétaires d’État ont l’obligation d’étudier les propositions transmises par le biais du Forum citoyen. Une proposition n’est revue que par un seul secrétaire d’État, qui peut s’en saisir ou bien la rejeter en indiquant son ou ses motifs. En cas de rejet, d’autres secrétaires d’État peuvent se saisir du projet s’ils le souhaitent. Un secrétaire d’État peut aussi amorcer un projet de son propre chef, sans se baser sur une proposition citoyenne.

Dans tous les cas, le secrétaire d’État « chef de projet » doit réunir au moins deux autres secrétaires d’État afin de constituer une cellule-projet. Il s’agit d’un groupe temporaire centré autour du projet, son but consiste à rédiger le contenu du projet dans un document formalisé qui reprend de manière détaillée les objectifs, les moyens et les impacts de la réforme envisagée. La cellule-projet suit l’avancement du texte jusqu’à l’Assemblée nationale où elle répond aux questions des députés et procède éventuellement à des amendements avec l’accord du Conseil des ministres.

Le concept de cellule-projet diffère radicalement de l’organisation du pouvoir exécutif habituellement observable. En effet, il s’agit d’une structure horizontale ad hoc intégrée dans un environnement hiérarchisé : les secrétaires d’État jouissent d’une entière liberté dans le choix des cellules-projets qu’ils créent ou auxquelles ils participent. Le Conseil des ministres ne peut dissoudre ou au contraire forcer la constitution d’une cellule-projet. Cette forme d’organisation originale permet d’obtenir une plus large palette d’innovations et de prises de risques dans la nature des projets qui sont soumis au Conseil des ministres.

L’institut des constats

Le rapport de la cellule-projet est complété par une étude de l’Institut des constats. Cette institution autonome, dont les membres sont nommés selon une procédure analogue aux secrétaires d’État, établit une étude relative au contexte du projet : le ou les secteurs économiques visés, les acteurs du marché, la réglementation applicable, les statistiques socio-économiques, etc. Ces éléments apportent un cadre objectif au projet qui ne peut pas être biaisé par la vision de la cellule-projet.

L’étude de l’Institut des constats est directement annexée au projet qui sera présenté aux députés. Ce processus permet d’éviter aux cellules-projet de modeler le diagnostic à leur avantage, et donc de tromper les députés (les secrétaires pourraient par exemple décrire une situation économique plus alarmante qu’elle ne l’est vraiment pour justifier une nouvelle politique d’austérité).

Les assemblées ad hoc

Une cellule-projet peut décider de convoquer une Assemblée ad hoc. Composée de citoyens tirés au sort parmi une population spécifique, l’assemblée vise à produire des recommandations sur une ou plusieurs problématiques définies par la cellule-projet. On peut par exemple imaginer qu’une cellule-projet souhaitant réformer le statut des huissiers de justice aura intérêt à tirer au sort certains d’entre eux au sein de cette assemblée afin de bénéficier directement de leur position sur le sujet. Bien que cette faculté représente un allongement du processus législatif, les cellules-projet ont un intérêt à y recourir si elles souhaitent donner plus de poids et de légitimité à leur projet (ce qui peut s’avérer nécessaire si le projet n’est pas populaire au Conseil des ministres ou à l’Assemblée nationale).

Les Comités d’administration

Chaque ministère est composé d’une part des secrétaires d’État et de leur ministre, et d’autre part d’une administration dirigée par des hauts fonctionnaires. Le Comité d’administration, composé de tous les secrétaires d’État du ministère, dispose de l’autorité pour organiser l’Administration et en conduire les affaires. À ce titre, il procède aux nominations et révocations des différents hauts fonctionnaires, suit le budget du ministère (qui est préalablement approuvé par l’Assemblée nationale), adopte les règlements qui permettent d’appliquer les lois, et prennent les décisions qui ne sont pas du ressort de l’Administration.

Le Comité d’administration peut déléguer une partie de ses prérogatives au ministre, à d’autres secrétaires d’État, ou bien à d’autres sous-comités (ce qui est notamment utile dans le cas de ministères aux attributions très larges).

Procédure de révocation : jurys sénatoriaux

La procédure de révocation d’un secrétaire d’État peut être initiée soit par le ministre, soit par le Comité d’administration, soit par la Cour des comptes. Un jury, composé d’un nombre impair de sénateurs tirés au sort, est constitué afin de se prononcer sur la révocation du secrétaire d’État. Son jugement s’appuie sur trois éléments : les motifs invoqués par l’initiateur de la procédure, le rapport de la Cour des comptes sur l’activité du secrétaire d’État, et sa défense au cours d’une audience publique.

La Cour des comptes, composée d’auditeurs nommés par le Conseil de la magistrature, dispose d’une mission générale de certification des comptes de l’État (identique à celle de la Cour des comptes de la Ve République), et d’une mission spéciale d’observation de l’activité des ministres et secrétaires d’État. Ainsi, les auditeurs disposent des moyens de contrôler leur assiduité, leur comportement et la nature des travaux qu’ils accomplissent.

Cette procédure de révocation permet au ministre de disposer d’une certaine autorité vis-à-vis des secrétaires d’État de son ressort (puisqu’il peut initier leur révocation), sans toutefois que cela devienne un instrument d’absolutisme puisque c’est un jury tiers (des sénateurs) qui prend la décision finale. La Cour des comptes, en observant régulièrement l’activité des députés, fournit des éléments objectifs en cas de litige, et incite les secrétaires d’État à un comportement vertueux.

4.2 Le Conseil des ministres : la ligne d’action de l’État

ENTRÉEACTIONSSORTIE
🏛 Composition : 12 ministres et 12 stratèges

✋🏼 Critères d’admission : pas de casier judiciaire, pas de conflits d’intérêts

🗳 Mode de désignation : élection (ministres), certification et tirage au sort (stratèges)

Durée du mandat : 1 an (ministres), 10 ans (stratèges)
📝 Rôles : définir et maintenir la stratégie de l’État

Pouvoirs : accepter ou refuser les projets des secrétaires d’État, définir l’ordre du jour des Comités d’administration (ministres)
👋🏼 Démission : possible à tout moment

👉🏼 Révocation : en cas d’enfreinte du règlement intérieur, par un jury sénatorial, ou par une décision du Conseil des ministres à la majorité des ¾

Dissolution : dans le cadre de la procédure de dissolution conjointe, ou décision des secrétaires d’État à la majorité des ¾

Le Conseil des ministres est l’organe suprême du pouvoir exécutif en matière d’initiative législative. Il étudie les différents rapports établis par les cellules-projet et décide ou non de les transmettre au pouvoir législatif. C’est donc lui qui définit la ligne d’action de l’État, sauf dans le cas des propositions citoyennes renforcées qu’il ne peut ni refuser ni différer. Le Conseil est composé de deux types de membres : les ministres et les stratèges.

Les ministres

Il y a autant de ministres que de ministères (12, par exemple). Ceux-ci sont élus pour un an par les Comités d’administration selon la méthode du jugement majoritaire (les électeurs attribuent une mention à chaque candidat : très bien, bien, passable, à rejeter, etc.). Les candidats doivent justifier d’au moins deux ans d’ancienneté en tant que secrétaires d’État. Le ministre élu nomme parmi les autres secrétaires d’État un ministre adjoint.

L’élection est utilisée, car il est nécessaire d’entretenir un lien de confiance fort entre le ministre et ses secrétaires d’État, ce qui pourrait être remis en cause par le tirage au sort. Le jugement majoritaire permet de choisir un candidat qui fait consensus, ainsi la stabilité est privilégiée. Les propositions politiques plus radicales ne s’expriment pas dans le choix du ministre, mais au travers des projets élaborés par les secrétaires d’État.

Le ministre siège à toutes les séances du Conseil des ministres. Son ministre adjoint préside le Comité d’administration lorsqu’il n’est pas disponible. Le ministre détermine l’agenda du Comité d’administration. Il est le destinataire de tous les rapports de son administration. Il dispose d’un cabinet dont le nombre de collaborateurs (qui ne peuvent pas être des secrétaires d’État) est défini dans le budget annuel voté par l’Assemblée nationale. Ce cabinet permet notamment de faire le lien entre le ministre, le Comité d’administration, et l’Administration.

Les ministres représentent leur ministère au Conseil des ministres. Ils sont ancrés dans le court et le moyen terme et disposent d’une vision opérationnelle, contrairement aux stratèges. En outre, le ministre des Affaires étrangères représente l’État en dehors du territoire national.

Les stratèges

Il y a autant de stratèges que de ministres pour respecter une parité exacte. Les stratèges sont nommés dans des conditions analogues aux secrétaires d’État : certification via un examen élaboré par l’Académie d’État et tirage au sort. Les stratèges doivent quitter leur fonction au bout de 10 ans. Ils siègent en permanence au Conseil des ministres.

Les stratèges, comme leur nom l’indique, insufflent au Conseil des ministres une vision de long terme. Ils s’accordent avec les ministres pour définir la stratégie de l’État sur les différents domaines qui le nécessitent. Plusieurs plans sont ainsi élaborés et peuvent être amenés à changer en fonction de circonstances externes (évolution du contexte économique, géopolitique, etc.) ou internes (rotation annuelle des ministres, remplacement de stratèges, changement de cap, etc.). Ces plans n’ont aucune valeur légale, mais ils permettent deux choses :

  1. Indiquer aux secrétaires d’État les orientations stratégiques de l’État, et donc les inciter à monter des cellules-projet qui vont dans ce sens.
  2. Juger de l’adoption ou non des projets en fonction de leur complémentarité, synergie et cohérence avec le ou les plans concernés.

Les stratèges, à l’instar des ministres, disposent d’un cabinet dont le nombre de collaborateurs est défini dans le budget annuel voté par l’Assemblée nationale. Ce cabinet permet aux stratèges de consolider et d’élaborer de nouveaux plans.

L’étude des projets

Lorsqu’une cellule-projet transmet son rapport définitif au Conseil des ministres, celui-ci dispose d’un certain temps afin d’en étudier les aspects (un mois, par exemple). Avec l’aide des différents cabinets, ministres et stratèges peuvent récolter des informations supplémentaires pour apprécier l’opportunité ou non de ce projet pour l’État.

Un président du Conseil des ministres est désigné tous les mois par tirage au sort parmi les stratèges. Celui-ci est chargé de définir l’agenda du Conseil et donc la mise au vote des différents projets reçus. Il arbitre les délibérations du conseil et ne dispose d’aucune voix. Ainsi, les projets sont votés par les 23 autres membres du Conseil (12 ministres et 11 stratèges). Ce dispositif permet d’équilibrer les pouvoirs entre les ministres et les stratèges : les stratèges obtiennent la présidence, mais perdent une voix et deviennent minoritaires. En outre, les ministres ne pourraient cumuler leur fonction avec celle de président eu égard à la charge de travail que cela représente.

Le Conseil se prononce sur l’adoption ou le rejet du projet. En cas d’adoption, il peut ensuite choisir de transmettre immédiatement le texte au pouvoir législatif, ou bien le différer de quelques mois (avec une durée maximale, par exemple 12 mois). En cas de rejet, il peut choisir l’abandon définitif (ce qui engendre la dissolution de la cellule-projet concernée) ou bien renvoyer le projet à la cellule en l’autorisant à présenter ultérieurement une version amendée.

La procédure de révocation

Les ministres et stratèges sont révoqués dans des conditions analogues aux secrétaires d’État. Pour les ministres, la procédure peut être initiée par le Comité d’administration dont ils relèvent ou bien par la Cour des comptes. Pour les stratèges, ils peuvent être révoqués par la Cour des comptes. Dans tous les cas, le Conseil des ministres peut également révoquer l’un de ses membres à la majorité des ¾.

Comme pour les secrétaires d’État, un jury composé de sénateurs est constitué afin de juger la révocation sur la base des rapports d’activité de la Cour des comptes, sur les motifs invoqués, et sur la défense du ministre ou stratège concerné. En cas de révocation, une nouvelle élection est organisée s’il s’agit d’un ministre, et un nouveau tirage au sort est organisé si c’est un stratège.

Le Conseil des ministres concentre une part importante du pouvoir exécutif, il est donc important de prévoir de nombreux dispositifs de révocation afin de se prémunir contre un accaparement du pouvoir ou un blocage du système par certains de ses membres. Mais ces dispositifs ne peuvent être employés de manière abusive puisqu’ils requièrent l’approbation de plusieurs institutions différentes.

La procédure de dissolution

Le Conseil des ministres est dissout dans le cadre de la procédure de dissolution conjointe. En outre, le Conseil des ministres peut également être dissout par l’ensemble des secrétaires d’État, à la majorité des ¾. Cela permet de résoudre les crises de confiance entre la base de l’exécutif (les secrétaires d’État) et son sommet (le Conseil des ministres), ainsi que les blocages qui empêcheraient les projets d’être transmis au pouvoir législatif.

4.3 Le Comité d’urgence

Le fonctionnement normal de la stochocratie permet de traiter des enjeux de long terme, mais est inadapté pour résoudre les situations d’urgence qui exigent une prise de décision rapide. Ainsi, un organe exceptionnel est prévu afin de faire face à ce genre de situations.

Le Comité d’urgence est réuni par le Conseil des ministres, après approbation du président du Sénat. Il est composé de 50 députés préalablement tirés au sort (et formés sur le fonctionnement du Comité d’urgence), 10 sénateurs (une commission sénatoriale générale préalablement tirée au sort), 3 juges caméraux préalablement nommés à cette fonction, ainsi que l’intégralité du Conseil des ministres.

Les 50 députés adoptent les résolutions proposées par le Conseil des ministres sous le contrôle des sénateurs et des juges caméraux présents. En effet, cette procédure ne peut avoir pour objet de court-circuiter le processus législatif courant afin d’adopter des projets controversés. Les sénateurs et juges caméraux présents s’assurent donc que le critère d’urgence est toujours respecté dans les résolutions mises au vote des 50 députés. Une fois adoptées, ces résolutions sont immédiatement applicables.

Le Sénat peut prononcer la dissolution du Comité d’urgence si les conditions qui ont conduit à sa réunion ne sont plus justifiées.


5. Pouvoir judiciaire

Dans la stochocratie, le pouvoir judiciaire est réellement indépendant de l’exécutif et du législatif. Les membres de son organe suprême, le Conseil de la magistrature, sont désignés par les magistrats. Le pouvoir judiciaire va plus loin que la simple gestion de la magistrature, il participe au processus d’écriture de la loi via la Chambre législative et contrôle l’action publique via la Cour des comptes et les juges caméraux.

5.1 Le Conseil de la magistrature

Le Conseil de la magistrature a pour mission de nommer les hauts magistrats des différentes juridictions de l’ordre judiciaire et administratif ainsi que les auditeurs de la Cour des comptes. Il dispose d’un pouvoir disciplinaire à l’encontre de la magistrature et fait respecter la déontologie des magistrats. Le Conseil de la magistrature se réunit en cour de dernière instance pour juger les affaires du ressort des juges caméraux. Il reçoit également les rapports de surveillance de la DRIST et peut saisir la juridiction compétente pour instruire une enquête.

La procédure de désignation des membres du Conseil de la magistrature se déroule en deux phases :

  1. Les magistrats votent une fois par an pour une liste de 1 à 10 magistrats qu’ils choisissent librement. Un magistrat obtient un point dès qu’il est désigné dans une liste. Les 60 magistrats qui obtiennent le plus de points sont sélectionnés pour la phase suivante.
  2. Trente magistrats sont tirés au sort parmi les 60. Ils sont alors admis pour siéger pendant un an au Conseil de la magistrature.

Dans ce système, les magistrats ne se portent pas candidats, ce qui diminue les effets de campagne électorale (même si certains pourront tout de même mener une campagne officieuse). En outre, un magistrat non volontaire peut être désigné « de force » pour siéger au Conseil. Cette sélection par les pairs est indispensable pour désigner des magistrats reconnus pour leur compétence et leur déontologie. Le tirage au sort permet ensuite de diminuer le risque de voir l’élection parasitée par des mauvaises pratiques telles que l’achat de vote.

Le Conseil de la magistrature peut être dissout dans le cadre de la procédure de dissolution conjointe.

5.2 Les juges caméraux

Les juges caméraux siègent dans les principales chambres des institutions de la stochocratie : l’Assemblée nationale, le Sénat, les Comités d’administration, le Conseil des ministres, et le Comité d’urgence. Avec l’aide d’assistants, ils prennent note des délibérations et sont tenus de faire respecter les procédures décrites dans les Réglements intérieurs applicables aux différentes institutions, ainsi que la Constitution. En cas de violation de ces règles, les juges peuvent suspendre la séance.

Les infractions qui requièrent un examen plus poussé sont jugées par la Cour camérale, composée de juges caméraux nommés par le Conseil de la magistrature. La Cour rend un jugement qui peut faire l’objet d’un appel auprès du Conseil de la magistrature réuni en cour.

Les juges caméraux sont nommés dans des conditions analogues aux secrétaires d’État : certification par un examen élaboré par l’Académie d’État, puis tirage au sort parmi les candidats retenus. Ils ne peuvent être révoqués que par le Conseil de la magistrature.

5.3 La Chambre législative : écrire les lois et la Constitution

ENTRÉEACTIONSSORTIE
🏛 Composition : 250 légistes

✋🏼 Critères d’admission : pas de casier judiciaire, pas de conflits d’intérêts

🗳 Mode de désignation : certification et tirage au sort

Durée du mandat : 10 ans
📝 Rôles : traduire les projets en textes (Constitution, loi, règlement)

Pouvoirs : convoquer la commission sénatoriale et la cellule-projet concernée
👋🏼 Démission : possible à tout moment

👉🏼 Révocation : par le Conseil de la magistrature

Dissolution : impossible

La Chambre législative est composée de 250 légistes qui sont désignés dans des conditions similaires aux secrétaires d’État : certification par un examen élaboré par l’Académie d’État, puis tirage au sort parmi les candidats retenus. Il s’agit donc de juristes qui viennent tantôt du secteur privé tantôt du secteur public. La Chambre comprend plusieurs commissions en fonction des différentes spécialités du droit. La présidence de la Chambre est assurée par un légiste tiré au sort pour une durée d’un mois. Les légistes ne peuvent être révoqués que par le Conseil de la magistrature.

Travaux de traduction législative

Lorsqu’un projet est transmis à la Chambre législative, le président de la Chambre l’affecte aux commissions concernées et nomme le légiste référent qui en assurera le suivi. Un projet peut avoir de multiples conséquences : création de nouveaux textes, abrogation ou modification d’anciens textes, etc. Les légistes peuvent recourir à la commission sénatoriale chargée du projet, ainsi que la cellule-projet concernée afin de résoudre les problèmes liés à la technicité du projet. La Chambre législative peut être amenée à modifier ses propres textes de loi si l’Assemblée nationale refuse de les adopter.

La Chambre législative permet de s’assurer que les textes sont écrits par des professionnels du droit, ce qui garantit une harmonie et une cohérence dans l’organisation générale du droit. Ce travail ne pourrait être demandé aux députés tirés au sort qui ne disposent pas des compétences nécessaires ni à l’exécutif qui pourrait en profiter pour créer des projets de loi illisibles de manière à fausser le jugement des députés. Ainsi, la traduction législative n’intervient qu’en aval du processus, pour laisser aux députés un plus grand libre arbitre.

Révision constitutionnelle

Une commission est dédiée au droit constitutionnel : elle assiste le Sénat lors de l’examen de la constitutionnalité des textes, et est consultée par les autres commissions lorsqu’un projet nécessite une révision constitutionnelle. Le cas échéant, la modification de la Constitution doit, en plus d’être adoptée par l’Assemblée nationale, être soumise au referendum. En cas de doutes sur l’interprétation de la Constitution par les juridictions de l’ordre judiciaire et administratif, la commission constitutionnelle se prononce en dernier ressort.

Tous les 10 ans, un processus de révision constitutionnelle automatique se déclenche. Une assemblée ad hoc composée de citoyens tirés au sort est réunie (dans des conditions définies par la Constitution : par exemple 1 000 citoyens sur une durée d’un mois) afin de délibérer et de produire des recommandations pour une éventuelle révision de la Constitution. Celles-ci sont directement transmises à l’Assemblée nationale qui adopte ou rejette les recommandations. En cas d’adoption, elles sont transmises à la commission constitutionnelle de la Chambre législative qui rédige une version amendée de la Constitution. Celle-ci doit ensuite être adoptée par l’Assemblée nationale puis soumise au referendum pour entrer en vigueur.

Dans les différentes situations de révision de la Constitution, la commission indique les impacts sur le fonctionnement actuel des institutions et sur les lois en vigueur.