Changer de système avec Burnheim

L’utopie est une chose, changer concrètement de système en est une autre. Dans cet article nous passons en revue les stratégies de Burnheim pour diffuser la démarchie dans la société.

Les prémices du modèle de la démarchie ont été abordés dans cet article. Voici un schéma synthétique qui permet de représenter ces principes à une échelle nationale :

Voir le schéma en plein écran

Les conditions de la démarchie

  1. La société doit être suffisamment démocratique pour accepter que des citoyens sans habileté particulière puissent prendre des décisions publiques.
  2. La société doit être suffisamment avancée technologiquement pour dégager du temps et des ressources au débat public.
  3. Les citoyens doivent être prêts à participer aux sujets qui les concernent et renoncer à participer aux sujets qui ne les concernent pas.
  4. Les citoyens doivent être convaincus de la nécessité de décentraliser l’État tant que des alternatives sont possibles.

Selon Burnheim, ces conditions sont généralement réunies pour les démocraties des pays riches, et plus rarement pour le tiers-monde. Toutefois, convaincre les citoyens de la nécessité de changer de système fait face à deux obstacles :

  1. Les citoyens ne peuvent croire à la vraisemblance d’un système qu’à partir du moment où il a déjà été testé dans des conditions normales.
  2. Vouloir changer de système c’est se rendre ennemi de toutes les élites politiques et bureaucratiques qui gouvernent le système en place.

Concrètement, comment changer de système ?

La stratégie envisagée par Burnheim pour contourner ces difficultés consiste à trouver des sujets politiques pour lesquels le système en place ne parvient pas à trouver de solution satisfaisante, et serait donc prêt à faire des concessions au profit d’une organisation plus démarchique prête à assumer la responsabilité de ces questions politiques délicates [cela n’est pas sans rappeler les thématiques sensibles de l’avortement et du mariage gay déléguées par le gouvernement irlandais à des assemblées citoyennes].

Les élites du système en place raisonnent sur le court terme, ce qui est un problème pour la décision publique en général, mais une aubaine en ce qui concerne la transition de régime. En effet, elles n’envisagent pas que les concessions faites ici et là sont en réalité les graines semées de la démarchie, tout comme Louis XVI n’envisageait pas que le tiers-état puisse, un jour, contester son autorité.

L’auteur estime que les secteurs de l’éducation et de la santé constituent des portes d’entrée pour cette stratégie. Poussés par un peuple qui demande des baisses d’impôt et qui est mécontent de la bureaucratie, les États ont tendance à réduire progressivement la dépense publique dans ces secteurs. Les citoyens déplorent alors une baisse de qualité du service public et dénoncent les prix très élevés des établissements privés qui proposent ces services. Les élites politiques n’arrivent pas à concilier ces intérêts divergents de manière efficace et seraient donc promptes à déléguer leur responsabilité à une institution autonome.

Si le peuple démontre sa volonté d’un système démarchique, alors ces institutions pourraient être fondées sur ce modèle par les élites politiques, cherchant à séduire de nouveaux électeurs. Ces institutions se constitueraient plutôt à un niveau local pour que le lien institutions/acteurs/consommateurs soit le plus fort. La multiplicité des institutions démarchiques amènerait à créer un standard, un ensemble de règles selon lesquelles elles seraient créées.

Ce phénomène se manifeste aujourd’hui par l’augmentation croissante des Autorités Administratives Indépendantes (AAI) [exemples en France : AMF, CNDP, CNIL, CSA, HADOPI, etc.]. Le problème étant qu’en l’absence de volonté citoyenne, l’État délègue sa responsabilité à ces entités sur lesquelles il conserve un fort pouvoir de contrôle (puisqu’il en nomme les hauts-fonctionnaires) plutôt qu’à des institutions démarchiques autonomes.

En outre, en dehors de l’État, Burnheim pense que les syndicats sont également de bons candidats pour incarner le changement démarchique. En se réformant eux-mêmes sur cette base de principes, ils pourraient donner l’exemple d’une institution démarchique autonome fonctionnelle. Encore une fois, cette évolution est dépendante de la volonté des salariés représentés au sein de ces syndicats.

Les bénéfices attendus de la démarchie

  1. La société a tendance à se forger autour des principes de son gouvernement. Adopter la démarchie pourrait ainsi permettre de diffuser les idées du tirage au sort dans de nombreux autres domaines publics ou privés.
  2. De la même manière, les caractéristiques de la démarchies tendent à faire adopter aux citoyens des comportements plus rationnels, égalitaires et pacifiques. Il y aurait ainsi une « dépolarisation » des débats publics, aujourd’hui animés par le combat entre deux blocs majoritaires.
  3. Les questions du racisme et du sexisme se résoudraient d’elles-mêmes, car le tirage au sort assure une représentation égalitaire des citoyens aux plus hautes instances du gouvernement.
  4. La démarchie pourrait permettre de mieux gérer les problématiques liées au développements technologiques en intelligence artificielle : la recherche pourrait être partiellement dirigée vers le développement de nouvelles compétences pour les employés remplacés par des programmes.
  5. De manière générale, le mécanisme du tirage au sort parmi les volontaires encouragerait fortement l’intérêt de ces groupes de citoyens pour leur secteur et le développement du capital intellectuel citoyen.
  6. La société reste profondément libérale et n’altère en rien la capacité de tout un chacun d’entreprendre librement ses projets.

Source

John BURNHEIM – Is Democracy Possible ? The alternative to electoral politics – Chap. 5

2 réflexions sur “Changer de système avec Burnheim

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