Le contexte
Dans le cadre du Grand débat national, la ville de Paris a organisé en 2019 une « conférence de consensus » afin de recueillir l’opinion des habitants. C’est à la suite de cette consultation (qui a mobilisé environ 200 personnes sur la plate-forme web et qui a fait appel à 30 citoyens tirés au sort) que l’idée d’une assemblée citoyenne permanente a germé.
En septembre de la même année, le conseil municipal a accepté de créer une telle assemblée sur le principe. Jusqu’en octobre 2021, la mairie a discuté avec les groupes politiques et s’est rapprochée d’experts (notamment la Fédération pour l’Innovation Démocratique en Europe) afin d’adopter des règles précises sur le fonctionnement de ce processus délibératif.
Fonctionnement de l’assemblée
Composition
L’assemblée est composée de 100 citoyens tirés au sort parmi les citoyens de plus de 16 ans. La durée du mandat est d’une année. Les membres sont sélectionnés selon une méthode d’échantillonnage stratifié :
- Dans un premier temps, sur la population éligible de 1,3 M d’habitants, environ 5 000 citoyens sont tirés au sort pour former un panel.
- Sur ces 5 000 citoyens, seule une fraction accepte d’exercer le mandat qui leur est proposé.
- Sur cette fraction, on réalise un second tirage au sort en fonction de différentes « strates », à savoir le sexe, l’âge, la profession, le niveau d’éducation et la situation géographique, de manière à ce que les 100 citoyens qui constituent l’échantillon final soient bien représentatifs de la population totale selon ces critères.
Avant d’entrer en fonction, les membres de l’assemblée bénéficient d’une formation de quelques jours.
Les citoyens perçoivent une indemnité de 44 euros par jours (comme pour les jurés d’assises).
L’assemblée se réunit en session plénière au moins deux fois par an. Mais plusieurs groupes de travail sont mis en place au sein de l’assemblée pour avancer sur des thématiques spécifiques entre les sessions. Les membres peuvent rejoindre les groupes qu’ils souhaitent.
Pouvoirs
L’assemblée dispose d’un certain nombre de moyens d’action vis-à-vis de l’exécutif :
- elle peut poser une question d’actualité, que celle-ci émane directement de l’assemblée ou bien d’autres citoyens ;
- elle peut soumettre un vœu chaque session du conseil municipal ;
- elle peut convoquer un jury citoyen pour délibérer sur un thème spécifique. Le jury se réunit sur une durée maximale de trois mois et est composé de 17 citoyens tirés au sort. Il élabore un projet de délibération à destination de l’assemblée qui peut alors le proposer directement au vote du conseil municipal ;
- l’assemblée choisit le thème du budget participatif de l’année suivante (encadré dans un dispositif parallèle) ;
- une fois par an, elle peut lancer une mission d’évaluation d’un aspect de la politique municipale. Cependant, le choix du sujet doit être préalablement discuté au conseil municipal et validé par l’exécutif. Dans ce cadre, l’assemblée peut réaliser des auditions de l’Administration municipale, recourir à des experts, ou convoquer une conférence citoyenne.
Le conseil municipal est tenu d’apporter des réponses aux sollicitations de l’assemblée à deux moments : lorsqu’elles sont formulées, et un an après.
En outre, l’assemblée dispose d’un budget annuel de 50 000 euros pour solliciter études et expertises dans le cadre de ses missions.
Institutions connexes
Un secrétariat composé d’employés de la mairie s’occupe de l’organisation et de la logistique relative aux travaux et réunions de l’assemblée citoyenne.
Un comité composé de représentants des groupes politiques locaux et d’experts en participation veille également à répondre aux différentes interrogations des membres de l’assemblée sur le processus délibératif.
Conclusions de l’OCDE
Le fait que le processus ait été dépolitisé et implémenté par étapes successives (grand débat national, projet de la mairie, délibérations avec les groupes politiques, et demande d’un avis à la FIDE) semble être un facteur déterminant dans sa réussite institutionnelle. Ainsi, le dispositif n’est pas le calque d’un modèle théorique, il est adapté aux problématiques spécifiques de la ville de Paris.
Il faut noter que la liberté dont jouit l’assemblée pour constituer ses groupes de travail est assez originale en démocratie délibérative, ce qui permet une certaine souplesse, mais avec le risque d’avoir des groupes déséquilibrés compte tenu des enjeux en présence.
Sources
OCDE – Eight ways to institutionalise deliberative democracy (p. 14)
Ville de Paris – Une assemblée citoyenne pour faire entendre votre voix
Pingback: Assemblée citoyenne de Nancy | Démocurieux
Pingback: Le tirage au sort vu par les élus | Démocurieux