Remplacer la Chambre des lords par des citoyens tirés au sort

Introduction

La Sortition Foundation est une organisation privée qui d’une part milite pour la démocratisation des assemblées citoyennes tirées au sort et, d’autre part, est un prestataire pour l’organisation de telles assemblées. Elle officie principalement au Royaume-Uni, en Australie et aux États-Unis.

Elle propose notamment de remplacer la Chambre des lords par une chambre de citoyens tirés au sort.

La Chambre des lords

La Chambre des lords est composée d’environ 800 membres, la plupart sont nommés par le monarque et les autres sont présents en vertu de leur appartenance à la noblesse ou au clergé. Ils siègent tous à vie.

La Chambre des lords est la chambre haute du Parlement britannique, soit l’équivalent du Sénat en France. Son rôle consiste principalement à examiner les projets de loi votés par la Chambre des communes (la chambre basse, équivalente de l’Assemblée nationale).

La Chambre peut proposer des amendements afin d’enrichir un texte législatif et elle peut même proposer de nouvelles lois, cependant c’est la Chambre des communes qui a le dernier mot pour l’adoption des textes. En outre, la Chambre des lords peut considérablement ralentir le processus législatif si elle s’oppose à la chambre basse.

En plus de ce rôle législatif, la Chambre peut interpeler le gouvernement une fois par mois et lui poser des questions orales ou écrites. Enfin, la Chambre donne son avis sur la constitutionnalité des textes qui lui sont soumis.

La Chambre des citoyens

Composition

La proposition de la Sortition Foundation vise tout simplement à remplacer les 800 membres de la Chambre des lords par 325 citoyens tirés au sort. Ce nombre réduit permet de faire des économies, car la Chambre des lords est actuellement très critiquée pour ses coûts de fonctionnement (137 M£ de dépenses nettes en 2022, avec un patrimoine de 652 M£). À titre de comparaison, le budget de fonctionnement 2022 du Sénat s’élève à 318 M€.

La durée du mandat serait comprise entre un an et deux ans, de manière à ce que les citoyens tirés au sort aient le temps de se former, mais sans aller jusqu’à se professionnaliser. Une rotation progressive des mandats serait mise en place de manière à ce qu’il y ait toujours d’anciens membres dans la Chambre pour apprendre les usages aux nouveaux venus.

Pour favoriser l’acceptation du mandat des citoyens, il serait nécessaire de prévoir des aménagements juridiques de manière à ce qu’ils soient certains de pouvoir retrouver leur emploi à l’issue de leur mandat, ou de recevoir une juste compensation lorsque ce n’est pas possible.

La procédure de tirage au sort se déroulerait en trois étapes :

  1. 30 000 citoyens sont tirés au sort et reçoivent une invitation à participer à une réunion d’information ;
  2. À la fin de la réunion, les citoyens intéressés pour siéger à la Chambre répondent à un questionnaire permettant d’identifier leurs caractéristiques socio-démographiques (genre, âge, localisation, niveau d’éducation, origine ethnique, et handicap) ;
  3. Enfin, un tirage au sort stratifié a lieu afin de remplir les sièges de la Chambre tout en respectant une stricte représentativité vis-à-vis des quotas indiqués.

Pouvoirs et fonctionnement

La Chambre des citoyens disposerait exactement des mêmes pouvoirs que la Chambre des lords. Toutefois, elle fonctionnerait sur un modèle délibératif plutôt que dans une logique de partis politiques et de négociations.

Au bout de quelques années de fonctionnement, une assemblée citoyenne serait chargée de faire le point sur la Chambre des citoyens et notamment s’il apparaît judicieux de modifier le périmètre de ses pouvoirs. Ainsi, il pourrait être intéressant de lui confier d’autres rôles tels que la convocation d’assemblées citoyennes ad hoc sur des sujets d’intérêt nationaux, ou bien de lancer des commissions d’enquête.

Conclusion

Ce projet de transformation de la chambre haute du parlement en assemblée citoyenne permanente n’est pas sans rappeler l’initiative du Sénat citoyen en France. Elle a l’avantage d’être facilement intégrable dans un système bicaméral, car le véritable pouvoir législatif continuera d’être incarné par la chambre basse, tout en permettant aux citoyens de se familiariser avec le concept de tirage au sort en politique, ce qui peut poser les jalons d’une réforme plus radicale du système.

En outre, les chambres hautes étant généralement perçues comme inutiles par le grand public et coûteuses pour la collectivité, leur transformation bénéficie d’un soutien politique important, ce qui laisse présager une possible mise en œuvre dans les années à venir, contrairement à des modèles plus radicaux de démocratie délibérative.

Source

Sortition Foundation – A House of Citizens for the UK Parliament

Une réflexion sur “Remplacer la Chambre des lords par des citoyens tirés au sort

  1. Toute chambre parlementaire doit être formée selon un système cohérent avec ses fonctions. De ce fait, il faut s’interroger sur le rôle de la Chambre des Lords. Or, pour le comprendre, il faut clarifier certains principes de gouvernement du Royaume-Uni.

    Le Royaume Uni n’a pas de constitution écrit formelle mais il est régi par certaines règles traditionnelles, des « conventions de la Constitution », qui s’imposent à tous et sont défendues par les tribunaux si nécessaire:
    a. Selon le principe de souveraineté parlementaire, le Parlement en fonction doit pouvoir faire toute loi qu’il juge nécessaire et défaire toute loi quand il le juge nécessaire sans aucune entrave.
    b. Selon la « Rule of law », la loi s’applique à tous sans exception et nul ne peut être puni ou contraint qu’en vertu de la loi et sur décision d’un juge indépendant.
    c. En vertu de la « Common Law », les normes applicables aux administrés sont prioritairement établis par les jugements conformes aux précédents juridiques et aux jugements des juridictions supérieures.
    d. Evidemment, la tradition ne fournit pas des réponses adéquates à toutes les situations. La common law est donc complété par l’ « Equity », les jugements rendus en l’absence de précédents juridiques en fonction du bon sens et avec l’objectif de garantir un droit consacré par la loi.

    Comment concilier la souveraineté parlementaire avec l’indépendance de juges?
    Réciproquement, comment s’assurer que les juges indépendants n’instaurent pas une kritocratie de fait en se contentant d’interpréter librement la loi sans tenir compte de l’intention du législateur?
    Le législateur britannique a résolu le problème comme suit:
    -Premièrement, les chambres se sont progressivement spécialisées. Ainsi, les pouvoirs législatif et exécutifs sont exercés directement ou indirectement par la Chambre des communes et le Gouvernement, le pouvoir judiciaire est exercé par les Lords, le Gouvernement et la magistrature.
    -Deuxièmement, outre sa capacité à prononcer les jugements dans le cadre de la procédure d’impeachment britannique, la Chambre des Lords est composée pour partie de juges, certaines de ses formations sont les juridictions suprêmes du Royaume-Uni et sa jurisprudence est supérieur à tout autre.

    Est-ce que 325 citoyens tirés au sort sont en mesure de remplir de telles fonctions? Ne faudrait-il pas plutôt envisager l’élection directe de la Chambre des lords parmi les magistrats professionnels? Sur ce point, je recommande d’étudier les institutions judiciaires du Canton de Genève et de la Bolivie. Bien sûr, on peut toujours envisager de remplacer l’élection des Lords-juge par un tirage au sort: Est-il raisonnable de priver le peuple de tout contrôle sur des gens investis de pouvoirs aussi important?

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