Portrait : Pierre-Étienne Vandamme

Pierre-Étienne Vandamme, chargé de recherches FNRS en théorie politique à l’Université libre de Bruxelles, a accepté de répondre aux cinq questions suivantes sur le thème de la démocratie :

1. Pourquoi avoir choisi la démocratie comme thème de recherche ?

Depuis que je pratique la philosophie politique, une grande question me préoccupe : comment évoluer vers des sociétés plus justes ? Dans un premier temps je me suis intéressé aux changements d’attitudes morales nécessaires de la part des individus (ce thème continue de m’occuper en parallèle), puis j’en suis venu à la question des procédures de décision collective. Dans ma thèse de doctorat, je me posais essentiellement deux questions :

  1. Quelles raisons avons-nous de penser que la démocratie est le régime le plus susceptible de décisions justes ?
  2. Comment améliorer les procédures démocratiques pour augmenter ce potentiel de justice ?

Ces deux questions sont au cœur du livre Démocratie et justice sociale paru l’année dernière chez Vrin.

Je vois donc la démocratie comme un moyen de réguler nos conflits politiques et d’évoluer vers une société plus juste tout en honorant les idéaux d’autonomie collective et d’égalité politique.

2. Quel est l’état de santé de nos démocraties représentatives actuelles ?

Je ne pense pas qu’elles soient agonisantes, mais elles sont sous forte tension. Cela tient, pour moi, à au moins deux facteurs distincts. Premièrement, la perte de pouvoir des États-nations dans un contexte de mondialisation et de forte mobilité du capital. Les États étant en compétition pour attirer les investisseurs, il est devenu très difficile de poursuivre des politiques fortement redistributives. Les élu·es, dans un tel contexte, ne peuvent que décevoir. Et cela nourrit l’insatisfaction des citoyen·nes.

Deuxièmement, les institutions dont nous avons hérité des révolutions des 18e et 19e siècles ne sont plus adaptées à l’évolution de nos sociétés. Elles ont en effet été bâties sur des fondements profondément élitistes, sur une méfiance et un mépris du peuple qui ne tiennent plus aujourd’hui. C’est pourquoi elles doivent être transformées et laisser une place beaucoup plus grande pour la participation citoyenne ainsi qu’une forme moins élitiste de représentation démocratique – par le tirage au sort.

3. Que peut-on changer dans les règles du jeu afin de tendre vers une société plus démocratique ?

Premièrement, faire de la place pour cette forme alternative de représentation que je viens d’évoquer – par exemple sous la forme d’un bicamérisme hybride, avec une chambre tirée au sort contrôlant les décisions de la chambre élue et du gouvernement. Deuxièmement, ouvrir le système législatif aux initiatives citoyennes, qui peuvent déboucher sur un referendum quand elles font l’objet d’un désaccord entre les deux chambres, par exemple. Troisièmement, permettre aux citoyen·nes de révoquer leurs représentant·es par la collecte de signatures et d’une votation populaire après un procès public équitable. Quatrièmement, revoir les règles de financement des partis politiques pour mettre fin au système de subvention des préférences politiques des plus riches qui prévaut en France comme dans d’autres pays. Et encore une grande diversité d’autres réformes dont je suis moins familier !

4. Quelles voies pouvons-nous emprunter pour réaliser cette transition démocratique ? Et remplissons-nous les conditions nécessaires ?

Je ne suis pas convaincu que l’abstention mènera à une telle transition. Je pense qu’il vaut mieux soutenir les partis et candidat·es qui promeuvent l’expérimentation démocratique, et faire pression sur l’ensemble des élu·es par le biais d’associations et de manifestations.

5. Souhaitez-vous mettre en avant des travaux, ouvrages, modèles, expériences, personnes ou organisations dans le domaine de la démocratie qui mériteraient davantage de visibilité ?

Sur le tirage au sort, votre blog est déjà bien riche en références. Les auteurs incontournables sont Bernard Manin et Yves Sintomer. Je conseille également l’ouvrage collectif non traduit en français Legislature by Lot édité par John Gastil et Erik Olin Wright.

Sur les différentes formes de referendums, je conseille le livre de Laurence Morel, La question du referendum et celui de Clara Egger et Raul Magni-Berton, RIC : Le referendum d’initiative citoyenne expliqué à tous. En anglais, un très bon classique méconnu dans le monde francophone est Direct Democracy : The Politics of Initiative, Referendum and Recall de Thomas Cronin.

Sur la révocation des élu·es, on trouve moins de choses. En anglais, The Politics of Recall Elections récemment édité par Yanina Welp et Laurence Whitehead. Et j’ai récemment fait une revue de littérature en anglais, avec un résumé en français.

Et sur le financement des partis, je pensais au livre Le prix de la démocratie de Julia Cagé.

Au niveau des associations, je pense à Démocratie ouverte ou Mieux voter qui font un travail fort utile et intéressant. Je pense d’ailleurs qu’à côté des réformes visant à accroître la participation citoyenne, il faut repenser également les méthodes de vote comme le propose la seconde de ces associations. Même dans une démocratie plus ouverte à la participation citoyenne et plus délibérative, nous continuerons de voter. Et il existe des alternatives bien plus séduisantes que nos pauvres méthodes de vote.

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