Contexte
Grandview-Woodland est l’un des 21 quartiers de Vancouver (Colombie britannique, Canada) qui compte environ 30 000 habitants. En 2013, la ville de Vancouver a engagé une consultation auprès des habitants de Grandview en vue d’élaborer un plan d’urbanisme à 30 ans pour le quartier. Alors que ceux-ci souhaitaient conserver des bâtiments typiques, le plan réalisé par la Ville prévoyait la construction d’immeubles de 24 et 36 étages sur l’avenue historique du quartier. En effet, Grandview est une zone dense où le chômage est important et, avec ce plan, l’exécutif espérait optimiser l’espace urbain.
Cette situation, due à une mauvaise utilisation d’un processus participatif et à une mauvaise communication, a brisé la confiance entre les citoyens et la collectivité. Pour faire amende honorable, la Ville a décidé d’organiser une assemblée citoyenne en 2014 pour établir le plan d’urbanisme de 30 ans, espérant ainsi restaurer la confiance des habitants envers l’exécutif.
C’est l’organisation Mass LBP qui a été chargée d’organiser l’assemblée citoyenne, avec un budget de 150 000 CAD (112 500 €).
L’Assemblée
Composition
L’assemblée est composée de 48 citoyens tirés au sort qui satisfont à plusieurs critères d’éligibilité :
- Être âgé de 16 ans ou plus
- Être résident ou propriétaire dans le quartier
- S’être porté volontaire auprès des services de la Ville
Les habitants ont tous été informés du processus par l’envoi d’une lettre dans chacun des 19 000 foyers. De plus, des tracts ont été distribués à différents points clefs du quartier. Au total 500 habitants se sont portés volontaires. Un tirage au sort stratifié à un seul tour a ensuite eu lieu pour tenir compte des critères suivants :
- Genre
- Tranche d’âge
- Zones du quartier
- Mode d’habitation (location, colocation, et propriétaire)
En outre, le processus prévoyait la présence de représentants des Premières Nations, deux sièges étaient réservés à des chefs d’entreprise et un siège à un propriétaire non résident.
Fonctionnement
L’assemblée s’est réunie un samedi par mois pendant un an. Les sessions de travail ont duré toute la journée. Au début, les membres de l’assemblée ont assisté à de nombreuses présentations d’experts et de parties prenantes afin de mieux cerner les enjeux de l’urbanisme. Ces exposés devaient être informatifs, factuels et neutres. De plus, certains participants ont mené leurs propres recherches de leur côté et ont partagé le fruit de leur travail avec les autres membres lors de petits ateliers.
Par la suite, l’assemblée est entrée dans une phase de consultation où les participants se sont attachés à recueillir l’opinion des habitants et des différentes parties prenantes sur la politique d’urbanisme de la Ville. Cela a permis de faire émerger certaines idées, des attentes, mais aussi des craintes de la part des citoyens.
Enfin, dans la dernière phase du processus, les membres se sont retrouvés pour délibérer. Les délibérations se sont effectuées en deux temps : des discussions en petits comités pour échanger rapidement sur certains sujets, puis des réunions en assemblée plénière afin de mettre les travaux en commun et prendre des décisions.
Les discussions étaient encadrées par huit facilitateurs, chargés d’animer les débats et faire tourner la parole. Ces facilitateurs ont été sélectionnés parmi des étudiants de la faculté de science politique de Vancouver et formés pendant deux jours.
Résultats
L’assemblée a listé 270 recommandations pour le développement urbain de Grandview dans les 30 prochaines années. De plus, les membres se sont accordés sur un ensemble de valeurs fondamentales que la Ville devrait respecter dans la mise en œuvre du plan. Toutes ces recommandations ont été approuvées par le conseil municipal.
En plus de définir un plan à 30 ans, l’assemblée a permis de restaurer le lien de confiance entre la Ville et les habitants, ce qui était précisément l’objectif initial. En effet, sur certains sujets, l’assemblée a dû sortir de ses prérogatives pour formuler des recommandations qui étaient contraires aux principes édictés par la Ville, mais très demandées par les habitants. Ainsi, cette capacité à exercer leur mandat représentatif jusqu’au bout a créé une vraie relation de confiance entre l’assemblée et les résidents.
Conclusions
Le cas de l’assemblée citoyenne de Grandview-Woodland est intéressant, car il montre qu’un processus délibératif peut avoir plusieurs rôles simultanés : résoudre un problème technique d’une part et restaurer la confiance entre les citoyens et le monde politique d’autre part. Cela dépend cependant de la capacité des pouvoirs publics à « jouer le jeu » en reconnaissant l’influence de l’assemblée citoyenne et en lui donnant les moyens d’accomplir sa mission, notamment en matière de démocratie participative.