Introduction
Dans le cadre de sa politique de « dialogue citoyen », le Conseil départemental de Haute-Garonne a décidé d’instituer une assemblée citoyenne permanente.
L’Assemblée
Composition
L’assemblée est composée de 162 citoyens tirés au sort qui sont amenés à siéger pour une durée de deux ans. La procédure s’est déroulée de la manière suivante :
- Dans un premier temps, le conseil départemental a lancé un appel à volontaires ;
- Sur les 1550 volontaires enregistrés, un tirage au sort a eu lieu afin de tenir compte de deux critères : la parité homme-femme et la répartition équitable entre les cantons.
Ainsi, chacun des 27 cantons du département est représenté par 3 hommes et 3 femmes, soit 162 citoyens au total.
Rôle
L’Assemblée peut être sollicitée dans deux cas de figure :
- Soit par la saisine du Président du Conseil départemental qui définit le sujet à traiter et le calendrier de restitution de l’avis de l’Assemblée ;
- Soit par autosaisine, c’est-à-dire que l’Assemblée définit elle-même son ordre du jour, cependant le Conseil départemental doit tout de même donner son avis avant que l’autosaisine soit votée par l’Assemblée.
L’Assemblée a pour vocation d’identifier des problématiques concrètes du département, qu’elles relèvent du court ou du moyen terme. Son rôle consiste également à proposer des solutions nouvelles, à améliorer les dispositifs existants ou encore à définir des orientations stratégiques pour le département.
En définitive, les travaux de l’Assemblée ont pour objectif d’éclairer les décisions des élus.
Fonctionnement
Dès qu’un sujet est mis à l’ordre du jour, les membres de l’Assemblée sont répartis en groupes de travail thématiques. Chaque groupe mène ses recherches de manière autonome et organise des visioconférences de son côté. Puis les comptes-rendus de chaque groupe sont présentés en assemblée plénière, qui a lieu quatre fois par an et qui permet de prendre les grandes décisions. Les membres sont défrayés à hauteur de 90 € par séance plénière.
Les groupes de travail et l’assemblée peuvent solliciter des experts, des groupes d’intérêt et des élus pour élargir le champ de leur réflexion et confronter des avis contraires. Une équipe d’animation (2 fonctionnaires et 2 prestataires : Eclectic Experience et Missions Publiques) est à la disposition de l’Assemblée pour subvenir à ses besoins en matière d’information et de logistique.
En outre, le rapport d’activité du Conseil départemental sert de base de réflexion à l’Assemblée pour appréhender les différents axes stratégiques du département.
Les rapports, avis et recommandations élaborés par l’Assemblée sont ensuite transmis au Président du Conseil départemental.
Le budget de fonctionnement de l’Assemblée est d’environ 105 000 € par an.
Résultats
La première séance plénière de l’Assemblée a eu lieu en octobre 2022 où 129 citoyens sur 162 étaient présents. Il s’agissait à la fois d’une ouverture solennelle et d’un temps de travail concret, puisque l’Assemblée a été saisie par le Conseil départemental sur le thème de la transition écologique et en particulier le plan stratégique 2020-2024 du département. Les membres de l’Assemblée ont donc été répartis en quatre groupes de 30 personnes environ qui ont commencé à réfléchir au sujet.
Lors de cette première session, un citoyen tiré au sort a demandé pourquoi l’Assemblée n’avait qu’un rôle consultatif et non décisionnel, suite à quoi le Président et le Vice-président du Conseil ont respectivement répondu :
« […] La loi ne prévoit pas qu’une assemblée citoyenne puisse être décisionnaire. Il n’y a aucune loi qui impose d’avoir une démarche citoyenne non plus au Conseil départemental donc s’il n’avait pas l’envie de suivre vos propositions le conseil départemental n’aurait pas mis en place une assemblée. […] »
« […] On ne peut pas décider que la démocratie représentative n’est pas celle qui compte et qu’on va tout remplacer par le tirage au sort, nous n’avons pas ce pouvoir. Par contre, nous faisons de l’expérimentation comme avec cette Assemblée citoyenne pour voir si ça fonctionne, si ça permet de construire de meilleures politiques publiques. On ne peut pas garantir que tout ce que vous allez produire va être totalement en phase avec les élu·e·s de l’assemblée départementale. Au sein de la majorité départementale il y a une très grande diversité, c’est une force mais vos propositions vont sans doute provoquer du débat. »
Conclusion
La procédure de tirage au sort est le fruit d’un compromis entre représentativité et efficacité. En effet, le tirage au sort parmi une liste de volontaires « auto-sélectionnés » biaise fortement la représentativité finale de l’Assemblée, d’autant que seuls les critères du genre et du canton sont utilisés pour stratifier l’échantillon. Cependant, on peut comprendre l’intérêt de privilégier des citoyens volontaires et motivés sachant que leur mandat est long (2 ans) et potentiellement intense, car les groupes de travail disposent d’une relative autonomie pour mener leurs actions en dehors des séances plénières. Les organisateurs de l’Assemblée ont donc choisi de privilégier la motivation des citoyens plutôt que leur représentativité.
Au-delà de cet aspect procédural, il semble que le Conseil départemental exerce un fort pouvoir d’influence sur les travaux de l’Assemblée, notamment en posant le cadre de réflexion avec son Rapport d’activité, mais aussi avec son avis donné avant chaque autosaisine. Cette frilosité à donner de la latitude à l’Assemblée résulte probablement d’une crainte de voir des thématiques traitées qui n’entrent pas dans le champ de compétence du département. Cela étant, seule la pratique permettra de mesurer la réalité et l’intensité de cette influence sur les travaux de l’Assemblée.