Conférence sur l’avenir de l’Europe

Introduction

L’Union européenne s’est lancée depuis les années 2000 dans un vaste processus de participation citoyenne, dont la Conférence sur l’avenir de l’Europe est le dernier et plus ambitieux item (budget de plus de 40 millions d’euros).

La conférence

Organisée par le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen, la Conférence est composée de plusieurs institutions.

Tout d’abord, quatre panels européens de 200 citoyens tirés au sort se sont réunis pendant trois week-ends afin de délibérer autour de quatre thèmes : l’économie, la démocratie, le climat et la politique étrangère. Au total, les panels ont adopté 178 recommandations concernant leur thème, avec une majorité requise de 70 %.

Parallèlement à ces panels européens, six États membres (Allemagne, Belgique, France, Italie, Lituanie et Pays-Bas) ont choisi d’organiser des panels nationaux sur tout ou partie des thèmes :

État membreTaille de panelThèmesNombre de recommandations
Allemagne5 × 20Tous10
Belgique1 × 50La démocratie européenne115
France18 × (30 à 50) pour les panels régionaux et 1 × 100 pour le panel national de synthèseTous1301 réduites à 14 par le panel de synthèse
Italie1 × 55Économie et politique étrangère58
Lituanie1 × 25Économie et politique étrangère21
Pays-Bas4 000 (en ligne)Tous30

En plus des panels, une plate-forme en ligne permet de recueillir l’avis de l’ensemble des citoyens européens. Elle recense près de 17 000 idées concernant les thèmes de la conférence.

Les recommandations émises par les panels sont transmises à une Assemblée plénière, composée de :

  • 108 membres du Parlement européen ;
  • 54 représentants du Conseil européen ;
  • 3 représentants de la Commission européenne ;
  • 108 représentants des parlements nationaux ;
  • 108 représentants des panels citoyens (aussi appelés ambassadeurs) ;
  • Et 68 représentants des corps intermédiaires et de la « société civile ».

Tout au long de la Conférence qui a duré un an, l’Assemblée s’est réunie à sept reprises afin d’étudier les propositions citoyennes et retenir celles qu’elle jugerait les plus pertinentes. À l’issue du processus, l’Assemblée présente ainsi 49 propositions de son cru.

Critiques

L’auteur de l’article (voir source) a assisté à deux panels européens, celui sur la démocratie et celui sur l’économie. Les citoyens tirés au sort ont répondu à un sondage à la fin de chacune des trois sessions, ce qui permet de mesurer l’évolution de leur opinion au fil des sessions. Ces questions concernent essentiellement les panels et leur organisation.

L’auteur a choisi d’évaluer le processus des panels européens selon cinq critères : l’inclusion, le niveau d’information, l’interactivité, la transparence, et l’appropriation de l’ordre du jour.

Inclusion

Tout d’abord, l’auteur critique le mode de sélection des citoyens. En effet, si ceux-ci sont représentatifs de la population d’un point de vue démographique (âge, genre, pays, etc.), ils ne le sont pas d’un point de vue discursif : les eurosceptiques étaient sous-représentés par rapport à la population européenne, si bien qu’une très large majorité des participants était relativement indifférente à l’égard de l’UE. Il s’agit du même manque de représentativité discursive qui avait été pointée du doigt pour la Convention citoyenne pour le climat en France.

Lors des débats en petits comités, de nombreuses inégalités dans le temps de parole des participants ont été relevées, malgré les efforts des facilitateurs pour faire intervenir tout le monde. On constate que quelques individus ont tendance à monopoliser la discussion et que certains participants ne prennent la parole que lorsqu’on la leur donne.

Parmi les personnes interrogées, quelques-unes ont critiqué le manque de représentativité du panel, à tort ou à raison. Appartenir à une minorité, même si elle est statistiquement bien représentée, peut donner l’impression qu’elle n’est pas suffisamment représentée, surtout si ses membres ont du mal à prendre la parole.

Information

Au début du panel, les citoyens étaient majoritairement critiques quant à la qualité de l’information qu’on leur donnait. Puis ce sentiment s’est apaisé au fur et à mesure des sessions, sans toutefois que les participants soient pleinement satisfaits à la fin du panel.

Plusieurs experts sont intervenus auprès des citoyens afin d’éclairer leur lanterne sur les sujets à l’ordre du jour, mais ils ont été nommés de manière unilatérale et opaque, sans que les citoyens aient leur mot à dire. Ainsi, les experts défendaient un point de vue unique sur l’Europe (davantage d’intégration) sans avoir de contradicteurs pour nuancer leurs propos.

D’autres citoyens ont cependant souligné l’accessibilité des informations fournies par les experts et leur utilité pour mieux cerner les problématiques du thème de travail.

Les membres du panel avaient également accès à des supports d’information papier qui recensaient les propositions populaires émises sur la plate-forme en ligne. Cependant, les participants de la plate-forme étaient très majoritairement europhiles (les eurosceptiques ne trouvant pas d’intérêt à participer au processus) et les propositions qui en découlaient allaient donc toutes dans le même sens.

Interactivité

Si les citoyens interrogés étaient un tiers à être déçus de la qualité des délibérations lors de la première session, ils étaient très peu à maintenir ce ressenti lors de la dernière session, ce qui souligne une amélioration au fil du processus.

Beaucoup de participants ont trouvé que discuter avec des citoyens d’autres pays et d’autres cultures était très productif et enrichissant. D’autres ont cependant regretté le manque de dynamisme des discussions, avec des monologues interminables et des débats futiles.

Il faut souligner que la barrière de la langue a rendu les débats moins fluides, puisque chaque intervention devait être traduite à l’écrit pour les autres participants. Il arrivait donc parfois que le sujet de discussion tourne davantage autour de la fidélité de la traduction plutôt que du sujet en lui-même.

Transparence

Les citoyens interrogés n’étaient qu’une moitié à déclarer avoir bien compris leur rôle. Les autres émettaient davantage de réserves et certains se montraient même critiques vis-à-vis du manque de transparence des organisateurs sur la méthodologie de la Conférence et surtout sur ce qui les attendait pour les prochaines sessions.

Parmi les citoyens du panel, certains ont été tirés au sort afin d’assister aux Assemblées plénières. Ces ambassadeurs devaient donc faire le relais entre les panels et l’Assemblée. Cependant, peu de panélistes se sont sentis représentés par ces ambassadeurs, par manque de contacts avec eux.

Ordre du jour

Les citoyens n’ont pas pu pleinement s’approprier l’ordre du jour pour différentes raisons. Tout d’abord, comme cela a déjà été dit, les panélistes ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population européenne d’un point de vue politique, ce qui a considérablement amoindri la pluralité des propositions qui ont pu être faites et la conflictualité des débats.

Ensuite, les thèmes imposés par les organisateurs étaient extrêmement vastes (le titre complet de celui sur l’économie est « une économie plus forte, justice sociale et emploi, éducation, culture, jeunesse et sport, transformation numérique »), ce qui confinait les participants à émettre des propositions d’ordre général, sans véritable portée politique.

Les discussions étaient quant à elle très procédurières, avec la présence systématique d’un facilitateur chargé de poser des questions et de faire tourner la parole, ce qui réduisait d’autant plus les débats et échanges spontanés entre participants.

Le cadre rigide de la Conférence n’a donc pas permis aux citoyens présents de véritablement « dire ce qu’ils avaient à dire ».

Conclusion

En dépit des moyens extraordinaires qui ont été mis en œuvre pour organiser la Conférence sur l’avenir de l’Europe, celle-ci ne se démarque pas des précédents processus participatifs européens qui ont rencontré les mêmes difficultés et ont eu un impact très limité sur la politique européenne.

Le cadre particulier de l’Union européenne représente une difficulté en soi, puisque les organisateurs se livrent une lutte d’influence permanente (les institutions européennes d’une part, les États membres d’autre part) et en sont réduits à créer un processus byzantin pour combler les intérêts de chacun. La langue est aussi une barrière importante aux échanges entre citoyens.

Le manque de contradiction et de pluralité parmi les citoyens et les experts constitue le principal défaut de cette expérience de démocratie délibérative, si bien qu’on peut se demander quel était l’objectif des organisateurs : susciter un débat de fond sur la politique européenne, ou bien légitimer celle qui est prévue ?

Sources

BAILLY – The democratic quality of European Citizens’ panels

Rapport final de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (FR)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s