Le Parlementarisme

Le parlementarisme est la première forme de gouvernement représentatif à voir le jour après les révolutions anglaise, française et américaine. Le droit de suffrage est encore limité à certaines catégories de la population, généralement les hommes qui ont un certain revenu (suffrage censitaire).

L’Angleterre, jusqu’en 1867, représente l’exemple parfait du parlementarisme. Comme pour les autres formes du gouvernement représentatif (la démocratie de partis et la démocratie du public), nous allons analyser le parlementarisme selon quatre axes : l’élection des gouvernants, l’indépendance des gouvernants, l’opinion publique, et la discussion parlementaire.

Élection des gouvernants

En raison du droit de suffrage restreint, les élus sont proches de leurs électeurs, ils les connaissent souvent personnellement et partagent les mêmes intérêts (que ce soit pour le commerce, l’industrie, ou l’agriculture, par exemple).

Les candidats sont élus sur la base de la confiance qu’ils inspirent. C’est avant tout leur personnalité qui compte, plus que leurs convictions politiques. Les candidats font peu de promesses de campagne et ne sont pas étroitement affiliés aux partis politiques.

Ainsi, les élus sont principalement des personnes ayant acquis, par leur caractère, leur fortune ou leur activité une certaine éminence au sein de leur communauté. Les représentants sont des notables.

Indépendance des gouvernants

Les élus n’étant pas choisis selon des critères politiques, ils jouissent d’une totale indépendance une fois au Parlement. Chacun d’entre eux vote selon ses convictions personnelles, sans être lié par la volonté de ses électeurs.

Opinion publique

De temps à autre, il arrive que le peuple exprime son opinion via la presse, les pétitions ou les manifestations. Il s’agit de faire pression sur le Parlement pour revendiquer la mise en œuvre de mesures politiques particulières. Ces événements n’arrivent que ponctuellement, lorsque les élus échouent à anticiper la volonté du peuple et que la situation dégénère en crise.

Il arrive fréquemment que dans ce genre de scénario aucun élu et aucun parti politique ne défende les propositions du peuple au Parlement, car ces thèmes populaires sont absents des campagnes électorales. Cela crée ainsi un véritable clivage entre la volonté du Parlement et la volonté du peuple.

Si le Parlement ne parvient pas à répondre aux demandes du peuple d’une manière ou d’une autre, cela entraîne en général de sérieux troubles à l’ordre public.

La discussion parlementaire

Une discussion n’a d’intérêt que si les participants sont susceptibles de changer d’avis. Or, c’est bien le cas dans le système du parlementarisme, car les gouvernants ne sont soumis ni aux instructions de leur parti, ni aux souhaits de leurs électeurs ; ils sont parfaitement libres de changer d’avis au cours d’un débat parlementaire.

Le parlementarisme fait du Parlement un véritable lieu de discussion qui peut donner naissance à des propositions originales (alors qu’en général, ces propositions sont extérieures au Parlement dans les autres régimes).

La liberté dont jouissent les élus entraîne une autre conséquence : les partis politiques ont bien du mal à imposer une discipline de vote à leurs membres élus. Les changements d’allégeance, les clivages et les regroupements sont donc très fréquents au sein du Parlement. On peut d’ailleurs noter que le Congrès américain fonctionne encore partiellement de cette manière.

Conclusion

En résumé, le parlementarisme est un système qui privilégie l’indépendance des élus et la discussion parlementaire, mais dont la faible représentativité des élus entraîne une relation conflictuelle avec les représentés.

Il ne faut pas confondre le parlementarisme, qui n’existe plus depuis le XIXe siècle, avec nos « régimes parlementaires » modernes tels que la démocratie allemande.

Source

MANIN – Principes du gouvernement représentatif (p.259-263)

Une réflexion sur “Le Parlementarisme

  1. (a) Notion-Le parlementarisme est la pratique du régime parlementaire. Le régime parlementaire est un régime de relation entre le corps législatif et le corps exécutif fondé essentiellement sur la motion de censure càd le droit légal ou coutumier de tout ou partie du corps législatif de destituer le corps exécutif ou le pousser à la démission en adoptant une motion à la majorité requise pour l’adoption d’une loi./

    (b) Diversité-Les régimes parlementaires sont des ensembles variables de procédures, incluant l’une ou l’autre forme de motion de censure, greffés sur différents régimes de distribution des pouvoirs. Les différentes formes historiques du régime parlementaire britannique ne sont pas des modèles mais des cas particuliers parmi d’autres./

    (c) But historique-Inspiré de l’exemple de la Suède, le parlementarisme a historiquement permis au Parlement britannique de prendre l’ascendant sur le Roi en limitant l’accès des mandats exécutifs à des personnes acquises à la cause du Parlement. Le parlementarisme a été instauré par des dirigeants dans le cadre d’une lutte de pouvoirs. Il n’a jamais eu pour but de fournir un meilleur gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple./

    (d) Défaut de conception-Dans sa forme classique, le parlementarisme fait reposer le bon fonctionnement de l’Etat sur l’existence d’une majorité qu’il ne génère pas. Ce n’est pas un problème au R-U où des majorités unipartisanes disciplinés apparaissent grâce au comportement des électeurs dont les effets sont renforcés par la mode de scrutin et au paysage partisan. Les dysfonctionnements de régimes parlementaires sont proportionnels au niveau de multipartisme, ce qui complique la représentation dans les pays dont les électeurs et les mandataires n’ont pas un niveau de civisme exceptionnel./

    (e) Facteur humain-Beaucoup de caractéristiques prêtées à l’une ou l’autre forme de parlementarisme découlent en réalité du facteur humain et ne sont donc pas exportables. Le parlementarisme nuit au fonctionnement régulier des institutions à moins d’être conçu fonction du comportement des électeurs, du nombre de partis, du niveau de discipline partisane des parlementaires. La motion de censure, peu employée désormais, n’a rien apporté au peuple hormis des crises politiques et coups d’Etat./

    (f) But actuel-De nos jours, les bienfaits théoriques du parlementarisme et la nécessité d’assurer son bon fonctionnement sont invoqués par les partis traditionnels pour imposer de nombre aux prérogatives des électeurs. Ceux-ci sont privés du droit d’élire un exécutif non parlementaire et non protocolaire et de nombreuses restrictions limitent la possibilité de créer des partis politiques. Les parlementaires eux-même défendent un régime qui a provoqué leur réduction à celui de chambre d’enregistrement du Gouvernement./

    (g) Défense du parlementarisme patricien-Le parlementarisme, ressort d’une limitation de la démocratie représentative, ne subsiste qu’au prix d’une défense farouche. L’alternative la plus évidente, le régime congressionnel est constamment dénigré. Dans le même ordre d’idée, la démocratie référendaire est diabolisée, entre autre, parce qu’elle permettrait au peuple de remplacer le régime parlementaire institué contre lui par le régime congressionnel, un régime d’équilibre de pouvoir bien plus solides et conformes à l’idéal du parlementarisme que les régimes parlementaires eux-mêmes./

    (h) Instauration d’un parlementarisme plébéien-Supposons que les électeurs aient le droit d’élire et révoquer par référendum les parlementaires, le cabinet et les juges constitutionnels. Supposons que la relation entre le Parlement et le Cabinet soient organisée sur le modèle d’un régime congressionnel californien par exemple. Il pourrait être utile de permettre aux parlementaires d’élire un Premier ministre à la majorité relative et au scrutin secret et de le censurer par l’élection d’un remplaçant. Celui-ci serait habilité à fixer l’ordre du jour prioritaire du Cabinet, poser la question de confiance sur l’adoption d’un texte avec l’accord du Cabinet, à émettre des décrets de promulgation et exécution pour toute loi quand qui n’aurait pas reçu son décret dans les 365 jours qui suivent son adoption. Les décrets du Premier ministre auraient un rang inférieur à ceux du Cabinet et ne pourrait y contrevenir. Cette forme de parlementarisme seraient parfaitement compatibles avec la séparation des pouvoirs, l’émanation populaire des pouvoirs et la démocratie référendaire.

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