Délibération démocratique et démocratie délibérative

Introduction

En préambule de leur modèle, les chercheurs Richards et Gastil apportent une définition à la démocratie délibérative en prenant soin de la distinguer de la délibération démocratique.

Délibération démocratique

La délibération démocratique est un moment d’échange organisé dans des conditions démocratiques, notamment au regard du principe d’égalité. L’objectif est d’aboutir à une décision, généralement par le biais d’un vote.

Aujourd’hui, on la rencontre essentiellement dans ce que l’on appelle des « modèles délibératifs », tels que des assemblées citoyennes, des jurys citoyens, ou des sondages délibératifs. On les qualifie aussi à tort de « démocratie délibérative », une notion qui est définie dans la seconde partie.

Pour atteindre une délibération de qualité, les auteurs considèrent qu’il faut remplir cinq critères analytiques et quatre critères sociaux.

Critères analytiques

  1. Permettre aux participants de se former sur la question qu’on leur pose ;
  2. Créer un débat qui exploite les différences des participants, notamment leurs valeurs ;
  3. Faire émerger une diversité de propositions innovantes ;
  4. Peser le pour et le contre de chaque idée ;
  5. Adopter la meilleure solution possible.

Ces critères ne sont pas toujours faciles à atteindre. Ainsi, les participants peuvent manquer d’imagination pour trouver des solutions nouvelles, ou bien le vote final peut être perturbé par la pression de la majorité, au détriment du consensus. C’est pourquoi les organisateurs doivent anticiper ces difficultés et construire un cadre délibératif fécond au regard de ces critères.

Critères sociaux

  1. Donner à chaque participant l’opportunité de s’exprimer ;
  2. Permettre une compréhension mutuelle entre participants ;
  3. Laisser la possibilité aux participants d’explorer des idées nouvelles ;
  4. Imposer le respect entre les participants.

Les critères sociaux sont le plus souvent dépendants des facilitateurs, ces arbitres qui se déplacent de groupe en groupe afin de s’assurer que la parole tourne et que les discussions restent cordiales et civilisées. Ils sont aussi là pour répondre aux questions des participants sur le processus en lui-même et les limites de leur rôle.

La démocratie délibérative

Alors que la délibération démocratique est limitée dans le temps et l’espace, la démocratie délibérative fait partie des institutions d’un système politique. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un pays organise une assemblée citoyenne ponctuelle qu’on peut parler de démocratie délibérative, il faut que leur usage soit récurrent et codifié.

Comme souvent en démocratie, la notion de démocratie délibérative est un idéal difficile à atteindre en pratique. Ainsi on dira qu’une démocratie est plus ou moins délibérative, comme on dit parfois qu’un système politique est plus ou moins démocratique.

La mesure de la démocratie délibérative passe par les mêmes critères que la délibération démocratique, mais en les extrapolant à l’échelle sociétale.

Critères analytiques

  1. L’information des citoyens passe par un journalisme de qualité, une recherche publique efficace et un bon archivage public ;
  2. Pour que les valeurs contemporaines soient challengées, un débat public régulier et une liberté artistique sont de mise ;
  3. La pluralité des solutions s’obtient avec le développement de think tanks, d’ONG, et de dispositifs participatifs où les citoyens peuvent proposer eux-mêmes leurs idées ;
  4. Pour avoir une bonne pesée du pour et du contre, le parlement doit se plier à de véritables délibérations et des CIR peuvent être organisées avant un referendum ;
  5. Le choix de la meilleure solution dépend quant à lui du personnel politique, qui doit avoir le courage de défendre les solutions nécessaires, même quand elles sont complexes et impopulaires.

Critères sociaux

  1. La distribution du temps de parole se rapporte à la liberté d’expression, à l’appropriation et à la prise en compte de tous les espaces de discussions, notamment les réseaux sociaux ;
  2. La compréhension mutuelle passe par l’éducation civique et l’apprentissage des compétences communicationnelles de base à l’école ;
  3. L’exploration d’idées nouvelles est permise par les connexions entre disciplines et l’intérêt porté aux œuvres artistiques d’avant-garde, notamment en littérature de science-fiction ;
  4. Le respect des autres dépend de l’inclusion culturelle, de la confiance envers son prochain et envers les institutions démocratiques.

Conclusion

L’étude de ces 9 critères et la distinction entre délibération démocratique et démocratie délibérative donne tout un éventail de possibilités pour améliorer nos systèmes politiques. Elle montre aussi que l’on ne peut pas se satisfaire d’organiser des assemblées citoyennes de temps en temps pour « revitaliser » la démocratie, puisque les changements doivent se faire dans le long terme et à l’échelle de la société dans son ensemble.

C’est d’ailleurs ce que les auteurs proposent dans leur modèle, en plaçant cinq briques de démocratie délibérative au cœur des institutions.

Source

GASTIL et RICHARDS – Making direct democracy deliberative through random assemblies (2013)

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