Introduction
En septembre 2020, la métropole de Nantes a lancé une enquête visant à dresser un état des lieux après le confinement lié au COVID-19. Cette consultation portait sur des thèmes divers et variés, tels que le travail, le logement, la santé, la démocratie locale, etc.
Dans le prolongement de ce diagnostic citoyen, la métropole a organisé une convention citoyenne afin d’obtenir des recommandations sur la politique « après-crise » de la collectivité.
La Convention
Composition
La convention est composée de 80 citoyens tirés au sort parmi les 870 personnes s’étant déclarés volontaires à l’issue de la première enquête qui portait sur 2 301 habitants, soit un taux de participation de 38 %. Ce taux est très élevé car il se base sur un échantillon qui a déjà accepté de répondre aux questions et qui a démontré un intérêt pour le thème en question. Le tirage au sort est stratifié afin de tenir compte de divers critères sociodémographiques et constituer un échantillon le plus représentatif possible.
Fonctionnement
Les 80 membres de la Convention se sont réunis en quatre sessions d’un week-end de novembre 2020 à février 2021 :
Session 1 : en visioconférence, les 80 citoyens tirés au sort ont été invités à se projeter en 2026, pour essayer d’imaginer ce à quoi le monde pourrait ressembler après le COVID, entre utopie et dystopie. Cet exercice libre et ludique, en l’absence de tout expert, a permis de créer des liens entre les participants et de définir des valeurs communes. À l’issue de la session, les membres ont décidé de soumettre deux questions aux habitants de la métropole (dont les résultats seront connus pour la session suivante) :
- Quelles modalités vous semblent les plus appropriées pour que votre avis et votre expérience personnelle puissent être pris en compte dans les décisions politiques ?
- Seriez-vous prêts à partager davantage vos ressources pour qu’il y ait moins d’inégalités et de précarités sur le territoire de Nantes Métropole ? Si oui, quelles seraient les priorités d’action ?
On remarque que ces questions ne portaient pas tant sur le thème de la crise COVID que sur la démocratie et la société en général.
Session 2 : les membres de la Convention ont auditionné 35 experts sur des domaines très variés tels que la santé, l’urbanisme, l’environnement, le travail, etc. Ces auditions ont été complétées par des délibérations en petits groupes qui ont permis de cerner les domaines essentiels qui méritaient d’être creusés dans le cadre de la crise COVID.
Session 3 : quelques rencontres ont été organisées avec des experts sollicités par les citoyens dans la session précédente. Cependant, l’essentiel du travail a consisté à dégager la structure du rapport citoyen et à en rédiger les premières parties. Une tâche qui a déconcerté un certain nombre de membres de la convention, un peu perdus face à la feuille blanche.
Session 4 : les membres de la Convention ont finalisé la rédaction du rapport de 50 pages destiné à être remis aux élus locaux. Pour donner une cohérence à l’ensemble, ce sont les équipes de Mission publique, l’entreprise chargée d’animer la Convention, qui rédigent une version primitive du rapport, amenée à être amendée par les 80 citoyens. La version définitive est soumise au vote et est adoptée malgré 4 oppositions sur 80.
Résultats
Le rapport, après avoir fait un diagnostic de la situation, recense 12 « aspirations » pour le monde de l’après COVID :
- Mieux vivre avec les personnes âgées
- Soutenir les jeunes
- Rompre l’isolement des personnes fragilisées par la crise
- Préserver le service public de santé
- Plus de pouvoir d’agir aux citoyens
- Donner davantage de place à la nature en milieu urbain
- Développer des logements accessibles
- Développer les outils pour mieux s’informer
- Se sentir en sécurité
- Consommer plus local
- Repenser et équilibrer le travail
- Se déplacer autrement
Ces aspirations sont déclinées en plusieurs pistes d’actions plus ou moins concrètes, ainsi que de points de débat ou de vigilance qui soulignent le caractère controversé de certaines propositions au sein de la Convention.
Le rapport a été remis aux élus en mars 2021, et ceux-ci ont apporté une réponse en juillet 2021 lors d’une rencontre publique, où les 80 membres se sont vus en chair et en os pour la première fois, toutes les sessions s’étant déroulées en visioconférence. Les élus – les maires des différentes communes de la métropole de Nantes – ont pris un certain nombre d’engagements relatifs aux 12 aspirations du rapport.
Conclusion
Le mode de sélection des membres de la convention qui consiste à tirer au sort parmi les répondants d’une enquête sur le thème en question est assez original ; il permet de faire d’une pierre deux coups et garantit un taux élevé de participation.
Comme dans la plupart des processus de ce genre (ex : la Convention citoyenne pour le climat), la question initiale posée aux citoyens est beaucoup trop vaste pour être traitée convenablement. Cela a d’ailleurs conduit les organisateurs à relativiser le rôle des citoyens qui, naturellement, se sont sentis démunis face à l’immensité du thème : « Votre expertise individuelle s’est transformée en expertise collective au fil des discussions. Elle est partielle certes, mais c’est le propre de toute décision : vous n’êtes pas obligés de couvrir tous les pans de la vie institutionnelle » ou « On ne vous demande pas de sauver le monde mais de produire un point de vue citoyen sur la crise et la société dans laquelle vous voulez vivre ».
La multiplication des propositions énumérées dans le rapport permet au pouvoir politique de faire du cherry picking, c’est-à-dire choisir celles qui servent ses intérêts tout en oubliant les autres. Alors que si les citoyens avaient eu à répondre à une question claire et précise (comme dans le cas de la Convention citoyenne irlandaise), leurs recommandations auraient eu un poids politique beaucoup plus important.