Introduction
Si les budgets participatifs se démocratisent de plus en plus au niveau municipal, il est plus rare de voir de telles initiatives à l’échelon national. C’est pourtant ce que la Corée du Sud a fait pour les budgets 2019 et 2020.
Le processus
Élaboration des propositions
Tous les citoyens peuvent déposer une proposition citoyenne sur le site gouvernemental prévu à cet effet. La proposition n’a pas besoin d’être chiffrée ou trop précise, il peut s’agir d’une simple remarque sur la défaillance d’un service public ou une idée d’investissement quelconque.
Sélection des propositions
Dans un premier temps, les propositions sont envoyées aux ministères concernés. Ceux-ci procèdent à une présélection en écartant les idées inéligibles ou tout simplement irréalisables. À titre d’exemple, pour le budget 2019, les ministères ont retenu 102 projets sur un total de 1 206.
Dans un second temps, la liste des propositions approuvées par les ministères est transmise à un comité composé de 400 citoyens tirés au sort répartis en quatre groupes thématiques : santé, affaires sociales, affaires économiques, et administration publique. Le comité se réunit durant quatre sessions :
- Session 1 : familiarisation des participants avec le concept des budgets participatifs et formation accélérée aux principes de base des finances publiques ;
- Sessions 2 et 3 : délibération et sélection des projets en groupes thématiques ;
- Session 4 : définition d’un ordre de priorité des différents projets en recourant à une méthode de vote par préférence. Les voix des 400 membres du comité comptent pour 50 % du scrutin, tandis que les 50 % restants sont déterminés par l’ensemble des citoyens volontaires qui veulent participer au processus (environ 2 000 personnes, en l’occurrence).
En support, un groupe de 68 experts conseille les ministères dans leur travail de présélection, ainsi que le comité citoyen dans la sélection finale. Leurs spécialités correspondent aux quatre groupes thématiques susmentionnés.
Le gouvernement insère les propositions citoyennes dans le projet de budget national qui est ensuite adopté par l’Assemblée nationale. Ainsi, pour le budget 2019, sur les 102 propositions présélectionnées, 39 seront finalement incluses dans le projet de budget national et 38 seront adoptées par le parlement.
Résultats
En 2019, le budget alloué aux propositions citoyennes s’élevait à 77 millions d’euros. En 2020, il est passé à 224 millions d’euros (dont 93 millions correspondent à la continuation des projets mis en place en 2019). Si ces montants peuvent sembler importants, ils ne représentent en réalité que 0,05 % du budget national qui est d’environ 430 milliards d’euros. En règle générale, au niveau local, cette proportion est de l’ordre de quelques pourcents. Cependant, il est évident qu’un budget national contient beaucoup plus d’items et de charges fixes que le budget d’une commune par exemple, ce qui peut expliquer ce plus faible pourcentage.
Conclusion
Le processus des budgets participatifs de Corée du Sud est plutôt bien conçu, car il combine démocratie délibérative (les 400 citoyens tirés au sort) et démocratie participative avec le mécanisme des propositions citoyennes et le partage du vote final entre les citoyens tirés au sort et l’ensemble de la population.
On peut regretter que le processus ne suscite pas davantage d’engouement de la part des citoyens, avec seulement 2 000 participants sur une population de 51 millions d’habitants. Cela permet cependant au modèle d’être expérimenté dans des conditions qui demandent peu d’investissements (il n’y avait que 1 200 projets à étudier par les services gouvernementaux, on imagine que la tâche aurait été plus difficile avec dix fois plus de propositions).
En outre, il semble que les ministères disposent de beaucoup de pouvoirs dans ce modèle, puisqu’ils peuvent écarter les projets « à la source », sans avoir besoin de se justifier. Peut-être que la présélection pourrait être partagée avec les utilisateurs de la plate-forme participative, par un système de vote par exemple, afin de démocratiser davantage le processus et de le rendre plus transparent.
Source
OIDP – « My Budget », la Corée du Sud expérimente un Budget Participatif National