L’assemblée populaire estonienne

Contexte

En 2012, le gouvernement estonien est frappé par un scandale, le « Silvergate ». Un ancien député de la majorité révèle avoir versé 7 600 € en liquide dans les caisses du parti, somme dont il ignore la provenance. En outre, il affirme que la pratique est courante. Si la justice ne parvient pas à conclure son enquête, les Estoniens perdent toute confiance dans leur système politique et organisent plusieurs grandes manifestations.

Pour faire face à la crise, le président de la République réunit les représentants de partis, d’associations et de think tanks afin de trouver des solutions. Pour restaurer la confiance des citoyens, il est décidé d’organiser une assemblée populaire (Rahvakogu en estonien) afin de réformer le système électoral et notamment la transparence du financement des partis politiques.

L’assemblée

Plate-forme participative

Début 2013, le site rahvakogu.ee est ouvert aux Estoniens ; cette plate-forme s’inspire de celle utilisée pour l’Assemblée constituante islandaise. Chacun peut déposer des propositions de réforme et commenter les autres idées. Plus de 2 000 citoyens participent activement au processus, soit 0,15 % de la population (1,3 M d’habitants), et rédigent plus de 3 000 propositions. Il est à noter que les élus peuvent également participer au processus.

Dans un second temps, une trentaine d’analystes regroupe les propositions dans cinq catégories et supprime les doublons. Ensuite, ces analystes évaluent et classent les différentes propositions en fonction de leur impact et de leur faisabilité.

Cinq séminaires thématiques sont organisés avec les citoyens contributeurs, des représentants de parti et des parties prenantes diverses pour discuter des propositions de chaque thème. Seules 18 propositions sont retenues pour être étudiées lors de la journée délibérative de l’assemblée.

Composition

L’assemblée populaire qui se tient lors de la journée délibérative est composée de 314 citoyens sélectionnés selon une méthode de tirage au sort stratifié prenant en compte les critères suivants :

  • Genre
  • Classe d’âge
  • Lieu de résidence

Les citoyens vivant loin de Tallinn, les foyers les plus modestes, les russophones (un quart de la population) et les jeunes se révèlent particulièrement difficiles à convaincre et sont légèrement sous-représentés dans l’assemblée. L’assemblée devait compter 550 membres, mais seuls 314 se sont présentés le jour J.

Fonctionnement

Les délibérations s’étalent sur une journée. L’objectif des citoyens tirés au sort consiste à sélectionner les propositions qui doivent être soumises au parlement estonien.

Réunis en petits groupes de dix personnes, les délibérants sont assistés d’un facilitateur pour animer les discussions et faire tourner la parole. Pour chacune des 18 propositions, les citoyens tirés au sort disposent d’une documentation contextuelle rédigée par plusieurs experts.

Résultats

Sur les 18 propositions étudiées par l’Assemblée populaire, 15 sont retenues pour être présentées au parlement estonien par le président de la République.

En 2014, soit un an après l’assemblée, trois propositions sont directement adoptées en tant que loi, et quatre sont partiellement adoptées. Voici les mesures les plus significatives :

  • Création d’une amende en cas de don illicite à un parti politique ;
  • Augmentation du pouvoir de contrôle du Comité de supervision du financement des partis politiques ;
  • Création d’un système de pétition pour contraindre le parlement à étudier une proposition citoyenne si celle-ci obtient plus de 1 000 signatures ;
  • Ensemble de mesures destinées à favoriser la création de petits partis politiques, notamment sur le remboursement des frais de campagne en cas de défaite électorale.

Conclusions

Malgré un temps alloué très court (une journée de délibération), l’Assemblée populaire estonienne montre que les citoyens peuvent élaborer des propositions solides qui débouchent sur de véritables prises de décisions.

Cependant, la procédure montre aussi que les experts ont eu un rôle prédominant dans la présélection des propositions, d’abord en jugeant de la faisabilité des propositions, puis en les choisissant avec les autres parties prenantes lors des séminaires thématiques, et enfin en rédigeant la documentation adressée aux 314 délibérants (compte tenu du peu de temps à leur disposition, cela a très certainement contribué à leur choix final).

Quoi qu’il en soit, l’Assemblée populaire rappelle les deux rôles souvent simultanés d’un processus délibératif : restaurer ou renforcer la confiance entre les citoyens et le monde politique d’une part, et élaborer des propositions concrètes sur un sujet donné d’autre part.

Sources

Site officiel rahvakogu.ee

Participedia – Estonia’s People’s Assembly ‘Rahvakogu’ on Government Spending

Praxis Centre for Policy Studies – Analysis of the impacts of the People’s Assembly (2014)

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