Planification citoyenne en Autriche

Contexte

Le double camp de Mauthausen-Gusen était le centre névralgique d’un complexe concentrationnaire qui s’étendait sur toute l’Autriche (une centaine de sous-camps). Il s’agissait du plus grand camp de travail du troisième Reich qui comptait 85 000 prisonniers en 1945 (majoritairement des ennemis politiques du régime) et qui a fait entre 122 000 et 320 000 morts sur toute la durée de la Seconde Guerre mondiale.

Après la guerre, beaucoup de bâtiments ont été détruits, mais deux baraquements, la maison du commandement et le crématoire ont été conservés sans nécessairement avoir le statut de site mémoriel.

En 2012, certains habitants de la région demandent la démolition totale des vestiges du camp. En réaction, l’Agence nationale de l’héritage interdit toute démolition à court terme, mais organise avec l’aide du Bureau fédéral des monuments, du ministère du Tourisme, et de la Société autrichienne pour l’environnement et la technologie un processus délibératif afin de trouver une solution de long terme.

De multiples intérêts divergent sur cette problématique :

  • Le gouvernement fédéral est favorable à une conservation mémorielle, tandis qu’au niveau local on demande la démolition du site ;
  • Les jeunes veulent oublier le passé, les citoyens plus âgés veulent le préserver ;
  • Les vestiges attirent les touristes, mais les habitants sont souvent perçus comme des nazis, ce qui génère un climat hostile dans la région.

Pour sortir de ce dilemme conflictuel, les autorités ont organisé des Conseils citoyens (selon une méthodologie proche des Wisdom Councils) afin de concevoir un plan de développement régional en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

Les Conseils citoyens

Les groupes thématiques

Avant le lancement des Conseils citoyens, six groupes thématiques sont constitués avec des experts dans les sujets suivants : science art et culture, développement régional, économie, émigrés de la région, site mémoriel, et un groupe libre.

Composition

Pour sélectionner les membres des Conseils citoyens, 500 habitants de la région sont tirés au sort dans un premier temps, puis un second tirage au sort permet de retenir les 36 membres du Conseil en respectant les critères du genre et de la classe d’âge.

Les membres sont répartis en trois conseils de douze personnes pour chacune des trois communes sur lesquelles sont construits les camps.

Fonctionnement

Les trois conseils citoyens délibèrent pendant deux jours afin de trouver une solution satisfaisante, en s’appuyant notamment sur les travaux des groupes thématiques.

Un facilitateur anime les discussions selon la méthode de la délibération dynamique : il s’agit de laisser les participants définir eux-mêmes les sujets qui leur semblent les plus importants, puis de recueillir l’avis de chacun sur ces thématiques. L’objectif est de libérer la parole des citoyens sur ces sujets très sensibles, tout en permettant à chacun de s’exprimer équitablement. Cette méthode fait remonter des points de vue, des déceptions, des attentes et des espoirs de la part des participants sur la question des sites mémoriels. Finalement, cet échange de ressentis a resserré les liens entre les membres des conseils citoyens.

Une journée est ensuite organisée pour mettre en commun les différentes idées élaborées par les conseils citoyens et sélectionner les plus pertinentes. Cet échange a lieu en public, sur le modèle des cafés citoyens, où tout le monde (citoyen ou politique) peut intervenir pour donner ses arguments.

Résultats

Une association est créée entre les trois communes pour mettre en œuvre le plan triennal élaboré par les citoyens. Celui-ci prévoit notamment d’étendre le site mémoriel à certains bâtiments non classés et de détruire les autres vestiges du camp pour y construire de nouveaux projets dédiés au développement régional.

Conclusions

Les Conseils citoyens ont permis de traiter un sujet très sensible qui cristallisait beaucoup de tensions chez les habitants. Grâce à une délibération ouverte d’une part, et à une consultation large du public d’autre part, ces tensions ont été désamorcées pour laisser place à un dialogue intelligent et créatif, tourné vers l’avenir.

Cependant, cette liberté méthodologique a aussi un inconvénient : les propositions émises par les Conseils citoyens étaient souvent vagues et peu détaillées, ce qui ne permettait pas d’exprimer des revendications précises auprès des pouvoirs publics. Mais ces derniers se sont montrés particulièrement coopératifs et désireux d’approfondir les idées développées dans le cadre de ce processus.

Sources

Participedia – Participatory Planning Process: ‘Region of Consciousness’ Austria

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