La démocratie du public est la forme actuelle du gouvernement représentatif, il succède à la démocratie de partis qui descendait elle-même du parlementarisme.
- Le tirage au sort dans la République romaine
- Le tirage au sort dans la République de Florence
- Le tirage au sort aux 17e et 18e siècles
- Pourquoi les révolutionnaires ont-ils préféré l’élection au tirage au sort ?
- La distinction entre élus et électeurs
- L’élection est-elle aristocratique ?
- Le gouvernement représentatif
- Le Parlementarisme
- La démocratie de partis
- La démocratie du public
Élection des gouvernants
Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, les élus ont les moyens de se faire connaître auprès de l’ensemble de la population. Les partis politiques ne peuvent plus se contenter de présenter des candidats choisis en interne, ils doivent aussi tenir compte de leur popularité auprès du grand public.
Dans la démocratie du public, les électeurs votent moins pour des partis et des programmes que pour des personnalités. Les élus sont de véritables spécialistes en communication, des « figures médiatiques ». Les campagnes électorales prennent un rôle de premier plan, mais le militantisme n’est plus aussi important que dans la démocratie de partis (le nombre de partisans diminue), ce sont surtout les dépenses de communication qui font basculer l’élection.
Si le contenu des programmes électoraux n’est plus au centre des campagnes, c’est à cause de l’évolution du contexte mondial. Les États interviennent dans de plus en plus de domaines et doivent composer avec de nombreux acteurs internationaux, ce qui rend la tâche des élus de plus en plus imprévisible. Appliquer un programme stricto sensu devient donc très difficile, c’est la raison pour laquelle on élit des gouvernants pour leur capacité à prendre des décisions plutôt que sur leurs promesses.
Dans le modèle précédent, la démocratie de parti, les électeurs votaient pour exprimer leur appartenance à une classe sociale. Ce n’est plus le cas dans la démocratie du public où les électeurs, quel que soit leur milieu social, répondent à l’offre politique présentée par les candidats. Durant les campagnes, les intentions de vote peuvent varier brusquement selon l’actualité. Il arrive même que les électeurs ne se décident qu’au jour de l’élection, ce qui souligne bien le délitement de la fidélité envers les partis.
Les clivages politiques ne se limitent plus aux classes sociales, mais concernent de nombreux autres thèmes (exemple en France : nucléaire, immigration, etc.) sur lesquels les candidats articulent leur campagne pour se distinguer de leurs adversaires.
Ainsi, les hommes politiques ne sont plus les porte-parole de partis politiques, mais des experts en communication qui cherchent à se positionner autour d’un clivage dont ils anticipent l’importance pour les prochaines élections.
Indépendance des gouvernants
Les gouvernants s’engagent rarement sur des promesses électorales précises et préfèrent des images floues pour décrire ce qu’ils souhaitent mettre en place une fois au pouvoir. Il s’agit des slogans de campagne, des éléments de langage qui ont autant, sinon plus d’importance que les mesures détaillées du programme politique.
Ce sont surtout ces formules que les électeurs vont retenir, car elles sont faciles à assimiler via les moyens de communication modernes. Seule une petite part de l’électorat s’intéresse au programme exhaustif des candidats.
Une fois au pouvoir, les gouvernants jouissent d’une grande marge de manœuvre pour appliquer leur programme. Si la promesse est floue, la justification l’est aussi.
Opinion publique
Les partis politiques n’ont plus les moyens de financer leur propre organe de presse, si bien que la majorité des médias est décorrélée du circuit politique. Il en ressort que l’information est plus homogène et objective qu’auparavant, même si les intermédiaires ont chacun leur ligne éditoriale.
Leurs analyses peuvent varier d’un sujet à l’autre, mais les médias s’accordent en général sur la réalité des faits. Ce n’était pas le cas dans la démocratie de partis où la presse était au service des forces politiques et pouvait délivrer des faits de nature contradictoire, comme ce fut par exemple le cas dans l’affaire Dreyfus.
Les sondages d’opinion sont un moyen courant et relativement neutre de représenter les volontés du peuple. Il s’agit d’un moyen moins contraignant que les pétitions et plus pacifique que les manifestations de faire valoir son point de vue. En revanche, le choix des questions posées appartient aux instituts de sondage et à leurs clients.
On observe également une augmentation de la participation politique non institutionnalisée, c’est-à-dire des manifestations, occupations ou grèves sauvages.
La discussion parlementaire
Les parlementaires sont toujours soumis à une discipline de vote, sauf qu’ils ne suivent pas les directions d’un parti, mais d’un leader politique, à cause d’un phénomène de personnalisation du pouvoir. Ainsi, la discussion est toujours absente du Parlement.
La véritable délibération politique se déroule en dehors de l’hémicycle, lors de réunions informelles avec les parties prenantes (associations, groupes d’intérêt, autres partis, etc.).
Les électeurs ne votent plus pour le même parti de génération en génération, leur vote change en fonction de leurs préférences et des clivages du moment. Les leaders de parti ont donc intérêt à « prendre la température » auprès de leur électorat avant une décision importante. Si les retours sont mauvais, les leaders peuvent changer d’avis, ce qui crée une forme de discussion entre les partis et les électeurs.
Conclusion
Les gouvernants de la démocratie du public constituent toujours une élite, médiatique cette fois-ci, au lieu des bureaucrates de la démocratie des partis et des notables du parlementarisme. Le gouvernement représentatif, quelle que soit sa forme, s’oppose donc toujours à la démocratie (dans son sens originel) en ce que les gouvernants sont foncièrement différents des gouvernés.
Si l’on parle de « crise de la représentation », c’est que le gouvernement représentatif n’évolue pas dans le bon sens. La distance entre élus et électeurs semble se creuser de plus en plus.
Sources
MANIN – Principes du gouvernement représentatif (p.279-302)
MANIN – Postface à la deuxième édition de Principes du gouvernement représentatif (2012)
Merci pour cet article qui explique parfaitement la théorie de Bernard Manin sur le « régime représentatif » avec des exemples concrets.
J’aimeAimé par 1 personne