La démocratie de partis

La démocratie de partis est la deuxième forme historique du gouvernement représentatif, elle succède au parlementarisme et précède la démocratie du public.

Elle sera analysée selon quatre axes : l’élection des gouvernants, l’indépendance des gouvernants, l’opinion publique, et la discussion parlementaire.

Élection des gouvernants

Avec l’élargissement du droit de suffrage, on voit immédiatement apparaître des partis de masse. Les électeurs n’élisent plus des notables, mais des candidats qui portent les couleurs d’un parti politique.

Avec la fin du parlementarisme, beaucoup pensent que le Parlement va s’ouvrir à de nouvelles classes sociales, notamment les ouvriers. S’il est vrai que les partis de masse populaires sont souvent dirigés par des personnes issues du monde ouvrier, celles-ci deviennent une nouvelle forme d’élite bureaucrate qui n’a plus rien en commun avec le monde prolétaire.

Les ouvriers qui démontrent le plus de compétences dans les domaines du militantisme et du management parviennent au sommet du parti. Les électeurs n’ont pas la possibilité d’élire un ouvrier « comme eux », puisque c’est l’appareil du parti qui présélectionne les candidats à présenter aux élections : des ouvriers devenus des élites bureaucrates au fil de leur carrière politique.

L’émergence des partis de masse modifie la manière de voter des électeurs. Avant, ils choisissaient un candidat de confiance, dorénavant, ils votent pour un parti, quels que soient les candidats et les programmes proposés. Cette fidélité partisane se transmet au sein des familles sur plusieurs générations.

Le vote est avant tout une manière pour les électeurs d’exprimer leur appartenance à une classe sociale. Les élus sont donc le reflet des clivages politiques qui divisent les classes sociales. Il s’agit, en général, d’un affrontement entre traditionalistes et sociaux-démocrates.

Indépendance des gouvernants

L’indépendance des députés est drastiquement réduite, ce ne sont plus des parlementaires libres de leur opinion, mais des porte-parole de parti. Les partis imposent une discipline stricte dans leurs rangs, menaçant d’exclusion ceux qui ne votent pas conformément aux instructions de l’appareil.

Les partis, en revanche, jouissent d’une plus grande liberté pour définir leur stratégie. Ils sont certes liés par le programme politique qu’ils ont défendu lors des campagnes électorales, mais il ne s’agit pas d’un engagement absolu. Ils peuvent n’en appliquer qu’une partie, voire s’en écarter ponctuellement afin de négocier avec d’autres partis. C’est notamment le cas dans les régimes parlementaires où la formation d’une coalition est un passage obligé pour accéder au pouvoir.

Les partis ont donc une marge de manœuvre confortable pour mener la politique qu’ils jugent la plus efficace, tout en restant plus ou moins fidèles aux promesses faites à leurs militants.

Opinion publique

Le clivage partisan qui divise la société se retrouve dans l’expression de l’opinion publique. Les manifestations et pétitions sont organisées par les partis, tandis que la presse est directement ou indirectement liée à un parti. Les électeurs reçoivent ainsi des informations politiquement orientées et rarement contredites, ce qui renforce la fidélité envers les partis et l’enracinement du vote au sein des familles et, plus largement, des classes sociales.

Le peuple n’a plus véritablement la possibilité d’exprimer librement son opinion, puisque tout est soumis à l’approbation de l’élite bureaucratique qui domine les partis. Le clivage n’est plus entre le Parlement et le peuple, mais entre le parti au pouvoir et les partis d’opposition.

La discussion parlementaire

Si une discussion ne peut avoir lieu qu’en présence d’acteurs prêts à changer d’avis, alors toute discussion est impossible dans un Parlement dominé par des partis. En effet, si les députés contreviennent aux instructions de leur parti, ils risquent immédiatement d’écourter leur carrière.

La discussion a donc lieu en dehors du Parlement, au sein de l’appareil des partis. C’est là, parmi les élites bureaucratiques et les députés, que les propositions politiques sont véritablement débattues et que chacun est libre d’avancer ses arguments sans craindre de sanction.

Ce ne sont donc pas les députés qui changent d’avis, mais les partis eux-mêmes, grâce aux discussions internes et aux échanges informels avec les partis de l’opposition.

Conclusion

La démocratie de partis bouleverse l’organisation du pouvoir politique. Le Parlement perd son rôle de chambre délibérative au profit de partis structurés qui négocient entre eux.

Source

MANIN – Principes du gouvernement représentatif (p.264-278)

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