Parlement citoyen australien sur la démocratie

Introduction

Au cours de l’année 2008, plusieurs cafés citoyens sont organisés à Sydney et Melbourne par la New Democracy Foundation, ceux-ci mettent en évidence une question partagée par beaucoup d’Australiens : comment peut-on renforcer la démocratie ?

L’année suivante, quatre institutions académiques décident d’organiser un « Parlement citoyen » avec la New Democracy Foundation de manière à élaborer des recommandations adressées au Premier ministre, mais aussi et surtout pour récupérer des données sur les différents modes de délibérations utilisés au sein du parlement et faire avancer la recherche en sciences politiques.

L’Australie n’en est pas à son coup d’essai, car de nombreuses autres expériences de démocratie délibérative ont été conduites au début des années 2000 sur des sujets divers et variés tels que : le fret ferroviaire, l’urbanisation de Perth, l’inclusion des jeunes dans la démocratie au Queensland, le changement climatique, etc. On peut donc dire qu’il existe une véritable culture de la délibération en Australie, d’autant que cette effervescence démocratique est toujours d’actualité.

Le Parlement

Composition

En premier lieu, les organisateurs envolent 10 000 invitations à des citoyens tirés au sort sur les listes électorales. Seules 8 000 arrivent à destination, et sur ce nombre, 2 800 citoyens se portent volontaires, soit un taux de participation exceptionnellement élevé de 35 %.

Lors de leur enregistrement sur le site officiel de l’événement, les volontaires répondent à un questionnaire en renseignant plusieurs informations socio-démographiques : âge, genre, district, niveau d’éducation, etc.

Les organisateurs réalisent ensuite un tirage au sort stratifié de manière à obtenir un échantillon représentatif de 150 personnes au regard des critères socio-démographiques. Malgré la taille importante du pool de volontaires (2 800), et à cause de plusieurs désistements, les organisateurs sont contraints de rehausser les marges d’erreurs – notamment sur le niveau d’éducation (±25 %) – pour être en mesure de constituer ce parlement qui, en conséquence, n’est que vaguement représentatif.

Fonctionnement

Quelques semaines avant la réunion du Parlement à Canberra, plusieurs rencontres régionales sont organisées entre les citoyens tirés au sort, de manière à ce qu’ils apprennent à se connaître en petits groupes et qu’ils commencent à s’approprier le thème. Il s’agit de discussions informelles où des facilitateurs aident les participants à hiérarchiser leurs idées.

Entre la fin des rencontres régionales et le début des délibérations à Canberra, un forum en ligne rassemble les 2800 volontaires enregistrés sur le site, y compris les 150 citoyens tirés au sort. Cette phase permet à de nombreuses propositions d’émerger, certaines plus populaires que d’autres.

Enfin, les 150 citoyens tirés au sort se réunissent à Canberra pour quatre jours de délibération intensive selon le programme suivant :

  • 1er jour : échanges spontanés afin de déterminer les attentes des 150 participants ;
  • 2e jour : travaux en petits comités pour reprendre ou élaborer de nouvelles propositions ;
  • 3e jour : priorisation et synthèse des propositions, qui passent de 51 à 13 ;
  • 4e jour : rédaction et mise au vote du rapport final.

Le rapport final est ensuite présenté à un attaché du Premier ministre par des rapporteurs volontaires.

Résultats

Les participants se montrent très impliqués dans le processus et, selon les organisateurs, s’approprient pleinement le sujet et parviennent la plupart du temps à se mettre d’accord par voie de consensus. À l’issue de l’expérience, plusieurs participants choisissent de s’engager dans des actions bénévoles en faveur de la démocratie.

Les 13 propositions du Parlement citoyen sont les suivantes :

  1. Harmoniser la législation entre les États ;
  2. Améliorer la qualité de l’enseignement pour donner la possibilité aux citoyens de s’impliquer en politique ;
  3. Responsabiliser les élus quant à leurs promesses électorales ;
  4. Encourager les initiatives de participation au niveau local ;
  5. Adopter un nouveau mode de scrutin pour les élections (le vote préférentiel) ;
  6. Accompagner l’engagement des jeunes en politique ;
  7. Reconnaître les peuples aborigènes dans la Constitution ;
  8. Inclure les droits fondamentaux dans la Constitution : liberté d’expression, séparation des pouvoirs, laïcité, présomption d’innocence, etc. ;
  9. Fixer et allonger le mandat du Premier ministre à cinq ans ;
  10. Exiger plus de transparence sur les actions gouvernementales ;
  11. Réduire le mille-feuille administratif, notamment à l’échelon local ;
  12. Améliorer les conditions du débat public ;
  13. Instaurer un referendum d’initiative citoyenne.

Ces propositions n’ont qu’un impact très limité sur le gouvernement, le Premier ministre ne pouvant pas se libérer pour écouter la restitution du rapport final. Les organisateurs déplorent ce manque de considération pour les travaux du parlement citoyen et critiquent le mode de délibération « inefficace » du Parlement australien comparé au leur.

Conclusion

Tout comme les sondages délibératifs de James Fishkin, il s’agissait ici de délibérer sur un thème spécifique et de collecter des données à caractère scientifique sur le comportement des participants. Or, il s’avère que l’opinion des 150 citoyens tirés au sort a largement évolué au cours du processus, finissant par se cristalliser autour de quatre notions clef : l’inclusion, la défiance ou la satisfaction vis-à-vis du système politique actuel, et l’engagement citoyen.

On peut aussi noter une certaine dichotomie entre la culture délibérative australienne et le désintérêt des élites politiques pour ce type de processus. Il s’agit donc d’une approche « bottom-up » où l’initiative vient essentiellement de la base et des milieux universitaires, contrairement à d’autres pays tels que l’Irlande ou la France où l’initiative est soutenue et organisée par les pouvoirs publics (exemple : la Convention citoyenne pour le climat).

Source

Participedia – Australia’s First Citizens’ Parliament

Rapport final de l’assemblée (2009)

Laisser un commentaire