Contexte
Suite au Brexit, le projet de recherche « Democracy in the UK after Brexit » est mis sur pied afin de comprendre et observer l’évolution de la démocratie au Royaume-Uni. En effet, celle-ci rencontre de nombreux challenges : mouvements indépendantistes, gestion de la pandémie de COVID-19, etc.
C’est la raison pour laquelle une assemblée citoyenne est lancée dans le cadre de cette initiative. La réflexion porte sur trois axes principaux :
- Comment articuler le pouvoir entre le gouvernement et le parlement ?
- Quel devrait être le rôle du public dans le processus démocratique ?
- Comment faire respecter les règles du jeu politique ?
L’Assemblée
Composition
En août 2021, la Sortition Fondation envoie un courrier à 20 000 adresses. 80 % de ces adresses sont choisies au hasard sur l’ensemble du territoire, tandis que les 20 % restants sont tirés au sort dans des zones défavorisées (où les taux de réponse sont généralement plus faibles). Tous les citoyens majeurs sont éligibles, sauf les élus et les salariés de partis politiques.
La lettre fait état du processus de l’Assemblée citoyenne, des thèmes qui sont à l’ordre du jour, ainsi que de la compensation financière, fixée à 100 £ par week-end. En outre, dans leur réponse (via téléphone ou site internet), les citoyens intéressés doivent fournir certains renseignements afin d’affiner l’échantillon représentatif :
- Le genre
- L’âge
- L’ethnie
- L’état d’invalidité
- Le niveau d’éducation
- La région
- Le vote lors du referendum de 2016 sur le Brexit
- Le vote lors des élections législatives de 2019
- Leur opinion sur le rôle des citoyens dans la démocratie, via les quatre réponses suivantes :
- A. Les citoyens doivent s’emparer du débat public (48 %)
- B. Les citoyens n’ont pas besoin de s’intéresser au débat public (17 %)
- C. Aucun des deux (22 %)
- D. Je ne sais pas (13 %)
Sur les 20 000 invitations, 345 citoyens se portent volontaires, soit un taux d’acceptation d’à peine 1,7 %, ce qui est relativement faible. Un second tirage au sort a lieu en tenant compte des divers critères statistiques afin de constituer l’échantillon le plus représentatif possible de 74 personnes.
Au cours du processus, plusieurs participants abandonnent et sont en partie remplacés par d’autres citoyens tirés au sort. Lors de la dernière séance, il reste 67 membres.
Fonctionnement
L’assemblée est découpée en trois phases.
Phase 1 : pendant les deux premiers week-ends, les membres de l’assemblée s’intéressent aux grands enjeux de la démocratie. Plusieurs experts interviennent sur les sujets suivant : « Qu’est-ce qu’une bonne démocratie ? » et « Qu’est-ce qui doit limiter l’action du gouvernement ? ».
Phase 2 : les trois week-ends suivants sont consacrés à chacun des trois thèmes de l’Assemblée : les interactions entre parlement et gouvernement, le rôle du public, et le respect des règles.
Phase 3 : pour le dernier week-end, les membres de l’Assemblée rédigent leurs recommandations finales.
Comment souvent dans ce genre de processus, les participants sont divisés en petits groupes de six à sept personnes dont la composition change à chaque session. De cette manière, à la fin du processus, les participants auront eu l’opportunité de discuter avec tous les autres membres de l’Assemblée.
Dans la plupart des cas, la journée du samedi est dédiée aux présentations des différents experts et parties prenantes, tandis que le dimanche est réservé aux délibérations entre citoyens.
Résultats
Dans leur rapport final, les citoyens présentent les 16 valeurs fondamentales qui, selon eux, caractérisent une bonne démocratie (par ordre de popularité décroissant) :
- L’honnêteté politique
- La liberté d’expression
- L’État de droit
- La responsabilité des élus
- La transparence
- Le respect de l’intérêt général par les élus
- La liberté de vote des citoyens
- Les limites à l’influence des intérêts privés sur la vie politique
- Le respect des droits de l’Homme
- La compétence des ministres dans leur domaine d’activité
- L’information et l’éducation des votants
- La reconnaissance de la légitimité du vote (referendum et élection)
- Le partage du pouvoir entre les différentes forces politiques
- La représentativité des élus
- L’engagement des élus sur leurs promesses électorales
- Les décisions publiques sont prises par des pouvoirs élus (ce qui n’est pas le cas de la Chambre des lords)
Dans la suite du rapport, les membres de l’assemblée font part de toutes leurs recommandations relatives à la démocratie au Royaume-Uni.
La recommandation 5.2 est rédigée en ces termes : « Les résultats d’un processus délibératif ont une valeur de conseil auprès des pouvoirs publics, mais ils ne devraient jamais s’imposer à eux : les membres d’une assemblée citoyenne n’étant pas élus, cela serait antidémocratique. »
Cette recommandation n’a été rejetée que par 10 % des membres de l’Assemblée. Il est assez surprenant de constater qu’une large majorité des citoyens tirés au sort considère n’avoir aucune légitimité démocratique par rapport à un élu.
Conclusions
Contrairement aux processus délibératifs classiques qui se contentent de sélectionner les participants en fonctions de critères démographiques, l’Assemblée citoyenne sur la démocratie britannique a cherché à rendre ses membres représentatifs d’un point de vue politique : avec la position sur le Brexit d’une part, et le vote à la dernière élection législative d’autre part.
On peut cependant s’interroger sur la recommandation 5.2 qui vise à retirer sa légitimité démocratique au tirage au sort : est-ce une conclusion naturelle à laquelle sont parvenus les délibérants au cours du processus, ou bien ont-ils été influencés par les différents experts ? Il serait utile de comparer ces résultats avec ceux d’autres assemblées citoyennes.
Source
Report of the Citizens’ Assembly on Democracy in the UK – 2022