La Boulè, ou le Conseil des Cinq Cents, est une institution de la démocratie athénienne composée de citoyens tirés au sort qui préparent et font exécuter les décisions prises par l’Ecclésia. Contrairement aux autres collèges de magistrats, son champ d’action n’est pas limité à un seul domaine (finances, armée, religion, etc.), mais s’étend à l’ensemble de la vie politique de la cité.
- La démocratie athénienne (introduction)
- Chronologie de la démocratie athénienne
- La population d’Athènes
- La géographie politique d’Athènes
- La théorie de la politique grecque
- L’Ecclésia, l’Assemblée du peuple
- L’Héliée, le Tribunal du peuple
- La Boulè, le Conseil des cinq cents
- Les Collèges de magistrats athéniens
- Le contrôle des magistrats athéniens
- La procédure législative athénienne
- La politique athénienne
Composition

La Boulè
Les 500 membres de la Boulè, les bouleutes, sont tirés au sort parmi les 139 dèmes (villages ou quartiers) de l’Attique. Les dèmes ont un nombre de sièges au Conseil qui dépend de leur taille. De plus, chacune des dix tribus (grandes circonscriptions) est représentée par 50 bouleutes.
Les candidats doivent se porter volontaires dans leur dème. Le tirage au sort se déroule à Athènes, grâce aux deux klérotèrions (machines à tirer au sort) de l’Héliée, sous la supervision des thesmothètes.
Chaque dème doit présenter un nombre de candidats au moins égal au double du nombre de sièges alloués. En effet, à chaque membre de la Boulè correspond un suppléant. Si un dème a 9 sièges au Conseil, il doit donc présenter au moins 18 candidats. Dans les faits, les dèmes présentent rarement plus de candidats que nécessaire, et ils ont parfois du mal à en trouver assez pour satisfaire les quotas. Ainsi, bien souvent, le tirage au sort ne sert qu’à déterminer qui sera titulaire ou suppléant parmi les candidats.
Trouver des volontaires est parfois si difficile que des citoyens sont enrôlés de force sur les listes. Pour essayer de résoudre ce problème, des réformes sont entreprises au fil des années afin de rémunérer correctement les bouleutes, de les exempter de leurs obligations militaires et d’autoriser les citoyens à se porter candidats plusieurs années de suite alors que cela est normalement interdit pour les postes de la magistrature.
La prytanie
La prytanie est l’organe exécutif de la Boulè, elle est composée des 50 membres d’une tribu. Le calendrier prytanique est divisé en dix mois de 35 à 36 jours (des jours supplémentaires sont rajoutés tous les trois ans pour rattraper le calendrier lunaire), de sorte que la prytanie soit occupée alternativement par chacune des tribus au cours de l’année. L’ordre de succession des tribus à cette charge est décidé par tirage au sort.
L’épistate, le représentant de la prytanie, est tiré au sort parmi les prytanes pour une journée et une nuit seulement. Si bien qu’une majorité des bouleutes devient épistate au cours de l’année. En revanche, un citoyen ne peut occuper la fonction d’épistate qu’une seule fois dans sa vie. La charge tourne si souvent qu’un Athénien a environ une chance sur quatre d’être épistate dans sa vie.
Les proèdres
Neuf proèdres sont tirés au sort chaque matin parmi les 450 bouleutes qui ne sont pas prytanes, un par tribu. Un épistate est tiré au sort parmi les neuf proèdres. On l’appelle épistate des proèdres, par opposition à l’épistate des prytanes.
Déroulement d’une réunion
La Boulè se réunit environ 275 jours par an. Les prytanes convoquent les autres membres du Conseil et fixent l’ordre du jour. Certains sujets sont récurrents : par exemple, le budget est passé en revue à chaque changement de prytanie durant deux jours consécutifs. En revanche, c’est l’épistate des proèdres qui préside les séances. Comme à l’Ecclésia, les votes se font à main levée. Les proèdres estiment le résultat sans réaliser de décompte précis.
Jusqu’en -410, les 500 bouleutes s’assoient où ils en ont envie dans la salle de la Boulè, mais après cette date, les sièges sont attribués par tirage au sort, probablement pour éviter la formation de factions politiques. Les séances sont publiques, sauf si les bouleutes doivent débattre de secrets d’État.
Sur les 500 membres du Conseil, tous n’assistent pas aux séances quotidiennes. En effet, certains représentants de dèmes éloignés (jusqu’à 40 kilomètres) ne peuvent pas assurer le déplacement tous les jours. Cependant, l’absentéisme est interdit pour les 50 prytanes puisqu’ils sont amenés à devenir épistates. Ceux-ci s’arrangent alors pour se loger à Athènes durant le mois de leur prytanie.
Les bouleutes sont libres de présenter une motion en leur nom lors des séances. En revanche, les citoyens et les étrangers doivent impérativement passer par les prytanes s’ils veulent soumettre une requête à la Boulè. Par exception à ce principe, les Stratèges (magistrats élus) peuvent intervenir au Conseil et déposer des propositions en leur nom. Certains autres magistrats sont régulièrement auditionnés à la Boulè, par exemple les trésoriers et les neuf archontes.
Les bouleutes sont payés 5 oboles par jour, 6 pour les prytanes, soit l’équivalent du salaire moyen pour une demi-journée de travail.
Pouvoirs de la Boulè
La Boulè possède des pouvoirs législatif, judiciaire et administratif.

Législatif
La Boulè peut prendre deux types de décisions législatives :
- Des décrets autonomes qui ne requièrent aucune ratification ;
- Des décrets préliminaires à destination de l’Ecclésia.
Les décrets autonomes sont restreints aux affaires courantes et aux sujets mineurs, par exemple l’organisation d’une fête religieuse ou la récupération de matériel naval public auprès d’un triérarque (responsable d’une trière, navire de l’époque).
Pour des raisons pratiques, quand l’Ecclésia prend une décision, elle peut autoriser la Boulè à publier des décrets autonomes de manière à alléger la procédure (le Conseil peut agir rapidement puisqu’il se réunit presque tous les jours, alors que l’Ecclésia ne se tient que quatre fois par mois). Il s’agit d’un système analogue à celui des ordonnances dans la Ve République.
Concernant les décrets préliminaires, il en existe deux sortes :
- Les décrets ouverts, qui visent à susciter des propositions au sein de l’Ecclésia ;
- Les décrets fermés qui sont déjà des propositions détaillées.
Ces décrets ont une importance cruciale, car l’Assemblée ne peut prendre aucune décision législative qui ne soit prévue par un décret préliminaire. Elle peut cependant émettre des contre-propositions.
La plupart du temps, ce sont les citoyens qui soumettent des propositions de décrets à la Boulè par l’intermédiaire d’un bouleute. Le conseiller qui se charge de l’affaire doit alors défendre la proposition devant le Conseil, puis, si elle est acceptée, devant l’Ecclésia.
La Boulè dispose aussi d’un rôle important à jouer dans la tenue des réunions de l’Ecclésia. Tout d’abord, ce sont les prytanes qui fixent l’ordre du jour et convoquent l’Assemblée. Ensuite, les proèdres ont le même rôle qu’au Conseil : l’épistate préside les débats et les proèdres estiment les votes à main levée.
Une commission de 30 bouleutes, trois par tribu, est chargée de contrôler les entrées lors des réunions de l’Ecclésia.
Un secrétaire tiré au sort parmi les Athéniens et rattaché au Conseil a la charge d’archiver et de publier toutes les décisions de l’Assemblée, sur de la pierre pour les plus importantes, et sur du papyrus pour les autres.
L’adoption des lois (textes qui, contrairement aux décrets, sont de portée générale) suit une procédure spéciale.
Judiciaire
La compétence juridictionnelle de la Boulè a été fortement amoindrie au fil du temps. Il lui reste néanmoins deux prérogatives :
- emprisonner de manière préventive les traîtres et les collecteurs d’impôt endettés et imposer des amendes jusqu’à 500 drachmes ;
- mettre en accusation et juger tous les autres magistrats.
Cette deuxième prérogative est de loin la plus importante. Le Conseil peut lancer une enquête de sa propre initiative ou dans le cadre d’une procédure d’eisangélie (accusation d’un magistrat par un citoyen). Les motifs d’accusation sont assez vastes, mais il s’agit le plus souvent de condamner des actes de corruption. La Boulè ne rend qu’une condamnation préliminaire qui doit obligatoirement être portée devant l’Héliée si le montant de l’amende dépasse 500 drachmes. Le Conseil peut aussi juger ses propres membres de cette façon.
De manière plus anecdotique, le Conseil réalise la docimasie d’un certain nombre de postes. Il s’agit de vérifier que les personnes tirées au sort ou élues à une fonction en remplissent bien les conditions, notamment en matière d’âge et de citoyenneté. La Boulè s’occupe ainsi de la docimasie des 500 bouleutes de la législature suivante, des neuf archontes, des éphèbes (jeunes hommes commençant leur service militaire), des cavaliers et de leurs montures, et des citoyens nécessiteux qui perçoivent une allocation de l’État de deux oboles par jour.
Administratif
La Boulè est au cœur de l’administration fiscale athénienne. Toutes les recettes fiscales sont versées dans la salle du Conseil, en présence des bouleutes et des collèges de magistrats concernés. Il s’agit notamment du versement des indemnités annuelles des concessionnaires qui gèrent les temples de l’État et les mines d’argent, des amendes infligées aux citoyens par les tribunaux, et la redevance des citoyens qui collectent les multiples taxes et impôts pour le compte de la cité.
Le Conseil n’a aucun pouvoir de décision sur l’utilisation des fonds, mais il s’assure qu’ils sont versés aux différents collèges de magistrats (entendre « ministères » au sens moderne) selon la loi de finances annuelle. Pour ce faire, 10 logistes sont tirés au sort parmi les bouleutes afin d’auditer les comptes de chaque collège tous les mois.
Bien qu’en principe les questions de politique étrangère soient du ressort de l’Ecclésia, le Conseil joue un rôle de premier plan dans la diplomatie athénienne. Ce sont les prytanes et notamment l’épistate, en sa qualité de chef d’État, qui reçoivent les dignitaires étrangers et les ambassadeurs. Ils peuvent mener des négociations sous le sceau du secret et autoriser ou non les dignitaires à se présenter devant l’Ecclésia. De même, les ambassadeurs athéniens répondent exclusivement aux prytanes.
Toutes les décisions importantes sont prises par l’Ecclésia, mais, pour des raisons pratiques, elle délègue un important pouvoir à la Boulè afin de les mettre en application. Ainsi, il arrive que le Conseil nomme lui-même les ambassadeurs alors que ce pouvoir revient normalement à l’Assemblée du peuple. La Boulè est aussi amenée à travailler en collaboration avec les Stratèges dans le cadre de la politique étrangère et cosigne les différents traités conclus avec les autres cités État grecques.
Conclusion
La Boulè est une institution complexe et centrale de la démocratie athénienne, avec de très nombreuses prérogatives aussi bien législatives, judiciaires qu’administratives. Un tel organe est assez difficile à imaginer dans notre monde où les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif sont nettement séparés sur le plan institutionnel.
Les Athéniens voient la participation au Conseil comme un devoir citoyen, une sorte de service militaire obligatoire. Ils rechignent souvent à y aller et trouvent cet exercice moins noble que participer à l’Ecclésia ou être juré à l’Héliée.
Source
HANSEN – La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène (p. 287-306)