Comparaison entre la démocratie athénienne et la démocratie représentative

Vidéo de la chaîne Démocurieux qui détaille le processus législatif athénien

Après avoir mis en évidence les faiblesses de la démocratie représentative et montré le potentiel démocratique d’autres modes de représentation (tirage au sort et auto-sélection), Hélène Landemore compare ici les démocraties athénienne et représentative au regard de cinq principes démocratiques essentiels :

  • Le droit de participer ;
  • La délibération ;
  • La règle de la majorité ;
  • La représentation démocratique ;
  • Et la transparence des gouvernants.

Le droit de participer

Dans la démocratie athénienne, les citoyens avaient peu de droits fondamentaux, mais pouvaient participer de multiples façons à la politique de la cité (en votant à l’Ecclésia ou en proposant des lois à la Boulè, par exemple).

À l’inverse, dans la démocratie représentative, les citoyens ont un grand nombre de droits fondamentaux garantis par une Constitution (notamment le droit de vote), mais n’ont que peu d’opportunités de participer concrètement à la vie politique. Ils peuvent certes se porter candidats aux élections, mais seule une minorité d’entre eux a les moyens de se faire élire.

La délibération

La délibération au sein de la démocratie athénienne était assez limitée : les jurés tirés au sort de l’Héliée n’avaient pas le droit de délibérer et les 6 000 citoyens de l’Ecclésia ne pouvaient discuter avec leur voisin que par le biais de murmures et de chuchotements. Il n’y avait pas de dialogue à proprement parler, puisque les citoyens n’étaient pas autorisés à interrompre un orateur pour lui poser une question. Il n’y avait probablement qu’au sein de la Boulè et dans les collèges de magistrats tirés au sort qu’une véritable délibération pouvait avoir lieu.

La démocratie représentative, quant à elle, est encore moins délibérative. Le Parlement est composé d’élus ayant chacun un intérêt stratégique à soigner son image pour prolonger sa carrière politique. Par conséquent, les élus ne peuvent pas s’engager dans un processus délibératif qui suppose de livrer son opinion sans ambage et d’accepter de se faire convaincre par la partie adverse quand ses arguments sont les meilleurs. Le rattachement des élus à des partis politiques disciplinés et en compétition les uns avec les autres est également un frein à toute délibération honnête.

La règle de la majorité

Dans la démocratie athénienne, la règle de la majorité était régulièrement utilisée, que ce soit par le biais d’un vote à main levée à l’Ecclésia et à la Boulè, ou d’un vote avec des jetons dans les Tribunaux.

La règle de la majorité est toujours centrale dans la démocratie représentative, notamment par le jeu de l’élection et des votes au sein du Parlement, mais la majorité est vue comme une menace pour les institutions, d’où la présence de plusieurs mécanismes (majorité supérieure à 50 % pour certaines décisions, veto et autres contre-pouvoirs) pour empêcher une « dictature de la majorité ».

La représentation démocratique

La démocratie athénienne reposait sur plusieurs formes de représentation, à savoir la représentation par tirage au sort dans les tribunaux et à la Boulè, la représentation élective via les magistrats élus, et la représentation par auto-sélection au sein de l’Ecclésia, comme cela a déjà été démontré. Le principe de la rotation assurait que tout citoyen ait une chance raisonnable d’être gouvernant au moins une fois dans sa vie.

Dans la démocratie représentative, la représentation est uniquement centrée autour de l’élection et occupe une place prépondérante. En effet, puisque les citoyens ne peuvent pas participer directement aux institutions, ils sont bien obligés de déléguer leur souveraineté à des représentants.

La transparence des gouvernants

(point non traité par l’auteure)

Les gouvernants athéniens devaient rendre des comptes à la fin de leur mandat (les euthynai) et pouvaient être poursuivis en justice en cas de suspicion de corruption (l’eisangélie). La transparence et la responsabilité des dirigeants était donc une obligation profondément ancrée dans le système politique.

Au sein de la démocratie représentative, les élus sont incités à faire preuve de transparence par le biais de la sanction électorale, mais il s’agit d’une garantie fragile et incertaine. En outre, il existe quelques obligations légales de publication des comptes publics et de mise à disposition de données publiques (open data) qui garantissent une transparence financière minimale.

Conclusion

PrincipesDémocratie athénienneDémocratie représentative
Droit de participerParticipation directe aux institutions démocratiquesParticipation limitée à l’acte de candidature aux élections
DélibérationLimitée à quelques institutionsTrès limitée, voire absente du Parlement
Règle de majoritéUsage généraliséUsage généralisé, mais avec des contre-mesures (supermajorité, veto, etc.)
ReprésentationTirage au sort, élection et auto-sélectionÉlection uniquement
TransparencePendant et après le mandatLimitée à la sanction électorale

Les différences entre la démocratie représentative et la démocratie athénienne peuvent se résumer à un seul concept : l’ouverture des institutions aux citoyens. La démocratie athénienne, grâce à ses multiples institutions basées sur le tirage au sort et ses nombreux points d’entrée pour la participation citoyenne est résolument ouverte, tandis que les institutions de la démocratie représentatives sont fermées sur elles-mêmes et sur les élus qui les composent.

L’enjeu est alors d’imaginer un système politique moderne qui soit résolument ouvert aux citoyens : la démocratie ouverte. Cette proposition sera détaillée dans un futur article.

Source

LANDEMORE – Open Democracy, chapter 6 : the principles of open democracy (2020)

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