Quand on parle de magistrat dans l’antiquité, il faut comprendre « magistrat politique » et non seulement « magistrat judiciaire » qui est le sens moderne du mot. Les magistrats sont des fonctionnaires dont les plus importants sont comparables à nos ministres actuels.
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- La géographie politique d’Athènes
- La théorie de la politique grecque
- L’Ecclésia, l’Assemblée du peuple
- L’Héliée, le Tribunal du peuple
- La Boulè, le Conseil des cinq cents
- Les Collèges de magistrats athéniens
- Le contrôle des magistrats athéniens
- La procédure législative athénienne
- La politique athénienne
Sélection des magistrats

Tirage au sort
La majorité des magistrats sont tirés au sort lors d’une cérémonie qui se déroule au sanctuaire de Thésée en présence des thesmothètes (archontes chargés d’administrer le Tribunal du peuple). La procédure de tirage au sort est identique à celle utilisée pour choisir les jurés de l’Héliée : on utilise un klérotèrion pour tirer au sort un magistrat par tribu.
La sélection par tribu aboutit systématiquement à des collèges de dix magistrats. Chacun d’entre eux se voit remettre une plaque en bronze et une couronne de myrte en signe de sa nouvelle autorité.
La sélection des neuf archontes et de leur secrétaire comprend une étape supplémentaire. Dans un premier temps, dix candidats sont tirés au sort parmi les volontaires de chaque tribu. Puis les charges sont distribuées en tirant au sort un candidat dans chaque groupe. Des suppléants sont également désignés à cette occasion.
Le tirage au sort des 600 magistrats se déroule sur une seule journée, quelques mois avant leur prise de fonction. Un citoyen ne peut exercer une même magistrature qu’une fois dans sa vie. En outre, aucun magistrat en activité ne peut se présenter au tirage au sort, ce qui signifie qu’il est impossible d’être magistrat deux années de suite (mais rien n’empêche de se présenter l’année suivante, tant qu’il ne s’agit pas du même poste).
Les citoyens se pressent pour obtenir certains postes, tandis qu’ils en délaissent d’autres, jugés moins intéressants. En effet, certains s’adjoignent d’avantages en nature intéressants, d’autres sont au contraire coûteux, mais prestigieux. De ce fait, tous les collèges de magistrat ne sont pas au complet chaque année.
Élection
Les magistratures les plus importantes, celles qui exigent des compétences spécifiques, sont attribuées par l’élection. Cela concerne une centaine de postes parmi lesquels on retrouve notamment les Stratèges et les trésoriers. À l’époque archaïque, l’essentiel du pouvoir était détenu par des archontes élus. Lorsqu’on a décidé de les tirer au sort, ce sont les Stratèges qui les ont remplacé sur le devant de la scène politique. Enfin, vers la fin de la démocratie, les trésoriers sont devenus plus puissants et influents que les Stratèges. Ainsi, il y a une relation directe entre pouvoir politique et mode de désignation des magistrats : les élus ont du pouvoir alors que les tirés au sort en ont peu.
L’élection se déroule à l’Ecclésia lors d’une séance ordinaire, souvent à la fin de l’hiver, ce qui correspond au début de la saison militaire. Les candidats aux différents postes ont le droit de faire campagne avant l’élection, souvent le matin même, lorsque les citoyens montent sur la Pnyx. Les candidats sont généralement annoncés par d’autres citoyens et parfois élus en leur absence et contre leur gré. L’élection est obligatoire, mais un élu peut refuser la charge s’il invoque un motif légitime.
L’Assemblée vote à chaque nouvelle candidature. Lorsque les dix postes sont pourvus, les candidats peuvent encore se présenter, mais uniquement contre un autre candidat. L’Ecclésia décide alors si elle préfère conserver le candidat déjà élu ou le remplacer. L’élection s’arrête lorsqu’il n’y a plus de candidat à se présenter.
Le cas de l’Aréopage
L’Aréopage est un vestige de l’époque archaïque. Tous les archontes y siègent à vie à la fin de leur mandat. En outre, être aréopagite n’empêche pas d’exercer une autre magistrature par ailleurs. Puisque les archontes sont les postes de magistrat les plus importants et les plus coûteux à assumer, l’Aréopage est composé des citoyens les plus riches.
Fonctions des magistrats
Pouvoirs
Si dans les oligarchies tout le pouvoir est détenu par les magistrats, dans les démocraties, ils en ont beaucoup moins. Les décisions importantes sont toujours prises par le peuple, soit l’Ecclésia, soit l’Héliée. Le rôle des magistrats n’est pas de décider, mais d’appliquer la loi existante et d’administrer les affaires de l’État.
Les magistrats ont deux types de pouvoirs selon la classification d’Aristote : préparer les affaires et présider les assemblées, et exécuter les décisions prises par le peuple.
Dès qu’un décret est voté à l’Ecclésia ou qu’une sanction est prononcée à l’Héliée, il revient à un ou plusieurs magistrats d’appliquer cette décision qu’il s’agisse de construire une route, de saisir des biens ou de mettre à mort un accusé. Cela se traduit souvent par des ordres à destination des citoyens. Pour assurer le bon exercice de ce pouvoir, les Athéniens jurent d’obéir aux magistrats à la fin de leur service militaire.
Par exception, les magistrats sont autorisés à prendre de petites décisions en autonomie, ils peuvent notamment infliger des amendes en dessous d’un certain montant (notamment en cas de refus d’obéissance). Cela leur confère l’autorité nécessaire à l’accomplissement de leurs fonctions. L’Aréopage peut aussi prendre des décisions judiciaires puisque sa principale attribution consiste à juger les affaires d’homicide.
Les magistrats exercent leurs fonctions dans les domaines suivants : le commerce, la surveillance des édifices publics, l’entretien des routes, l’approvisionnement en eau, la surveillance du territoire, la gestion des finances publiques, la préparation des procès, l’exécution des peines, le commandement de l’armée, et l’administration des cultes.
Budget
Le budget est voté tous les ans par le biais d’une loi de finances. Cette loi détermine le nombre de talents (un talent vaut 6 000 drachmes, une drachme équivaut au salaire journalier moyen) qui revient à chaque collège de magistrat. Dès que les trésoriers reçoivent des fonds, l’argent est immédiatement redistribué aux collèges en fonction des besoins, dans la limite du budget. Tous les flux financiers passent par la Boulè où ils sont minutieusement contrôlés.
La collecte des multiples impôts et taxes fait l’objet de plusieurs marchés publics, ce sont ainsi des citoyens qui recouvrent l’impôt (moyennant une commission) et non des fonctionnaires. Des magistrats (les apodectes) sont chargés d’attribuer ces marchés et de percevoir périodiquement les redevances dues à l’État. Il en va de même pour l’exploitation des mines confiées à des concessionnaires par d’autres magistrats (les polètes).
La gestion des finances publiques est donc très décentralisée. Lorsque les recettes sont insuffisantes pour équilibrer le budget, l’Ecclésia peut voter un impôt exceptionnel sur la fortune qui vise aussi bien les citoyens que les métèques.
Exercice collégial
Qu’ils soient élus ou tirés au sort, les magistrats exercent leur pouvoir de manière collégiale, et non individuelle. Les décisions sont prises à dix, avec des débats et un vote si nécessaire. Il n’y a pas de président qui détient plus d’autorité que les autres.
Les tâches sont le plus souvent réparties par tribu : chaque membre du collège s’occupe des affaires concernant sa tribu. Lorsque la sélection des magistrats ne se base pas sur les tribus, les tâches sont divisées d’une autre manière. Par exemple, parmi les Stratèges, cinq n’ont pas de fonction attitrée, mais on compte un responsable des campagnes extérieures, un de la défense de l’Attique, un des trières et deux pour l’arsenal et le port.
En outre, si le pouvoir est collectif, la responsabilité l’est aussi. Par exemple, si le budget se retrouve en déficit pour des raisons inexpliquées, tous les trésoriers sont individuellement poursuivis via une eisangélie et risquent la peine de mort.
Hormis quelques postes importants comme les archontes, les fonctions de magistrat n’occupent pas leurs membres toute la journée. Certains ne sont appelés à travailler que quelques jours par an.
Rémunération
Les magistrats ne sont pas rétribués pour leurs services, contrairement aux jurés de l’Héliée, aux bouleutes et aux citoyens de l’Ecclésia. Les Athéniens considèrent que seules les fonctions politiques nécessitent d’être rémunérées ; or les magistrats ne font qu’administrer.
Cela étant, les magistrats tirent souvent un profit indirect de leur mandat. Ceux qui s’occupent des affaires religieuses récupèrent souvent la viande des sacrifices, les stratèges obtiennent une part conséquente des butins de guerre, et ceux qui président les tribunaux perçoivent une part des droits de justice payés par les parties d’un procès.
Quelques postes de marque comme commissaire aux Dionysies ou Archonte éponyme nécessitent au contraire d’organiser des fêtes onéreuses pour maintenir le prestige de la fonction et les magistrats en sont de leur poche.
Conclusion
Les Athéniens voient dans le tirage au sort des magistrats une manière d’affirmer non pas que les hommes sont égaux entre eux, mais qu’ils ont tous une chance égale de participer à la vie politique et d’être, tour à tour, gouvernés et gouvernants. Cependant, ce principe a une limite, car les postes qui nécessitent des compétences supérieures à ce que l’on peut attendre d’un citoyen pris au hasard sont toujours attribués par l’élection.
On pourrait s’attendre à quelques traces historiques concernant des magistrats incompétents, mais ce n’est pas le cas. Peut-être en raison de la collégialité du pouvoir, les magistrats arrivent toujours à administrer correctement la cité. On suppose que les secrétaires des magistrats (souvent des métèques, voire des esclaves publics) jouent un rôle important dans la continuité de l’administration.
Source
HANSEN – La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène (p. 263-285)