Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver quand on lit dans la presse que tel homme politique est mis en examen pour trafic d’influence, prise illégale d’intérêt, ou octroi d’avantage injustifié. L’objectif de cet article consiste à démystifier les principaux délits dont les élus et fonctionnaires peuvent se rendre coupables et qui portent atteinte à la démocratie.
Corruption
Le délit de corruption consiste à accepter un avantage (argent, faveur, avantage en nature, etc.) en contrepartie d’une décision favorable ou d’une absence de décision.
Pour celui qui procure l’avantage (le corrupteur), on parle de corruption active, et pour celui qui le reçoit (le corrompu), on parle de corruption passive. Les deux sont condamnables.

Exemple : un entrepreneur souhaite ouvrir un casino. Cependant, ce genre d’affaires nécessite l’autorisation du ministère de l’Intérieur. L’entrepreneur verse donc 100 000 € au fonctionnaire chargé de délivrer l’autorisation.
Le lobbying consiste pour des entreprises ou des associations à faire pression sur les élus afin qu’ils adoptent telle ou telle législation. L’activité de lobbying est légale, mais elle peut cacher un délit de corruption si elle s’accompagne de contreparties versées aux élus.
Trafic d’influence
Ce délit est une version plus élaborée de la corruption. Le bénéficiaire verse de l’argent à un intermédiaire pour que celui-ci exerce son influence sur un décideur public.
Le bénéficiaire est condamnable au titre de trafic d’influence actif, de même que l’intermédiaire au titre de trafic d’influence passif.

Exemple : dans le même scénario que précédemment, au lieu de contacter le fonctionnaire chargé de délivrer l’autorisation pour l’ouverture de son casino, l’entrepreneur soudoie le ministre de l’Intérieur pour qu’il exerce son influence hiérarchique sur ledit fonctionnaire.
Prise illégale d’intérêt
La prise illégale d’intérêt vise les personnes dotées d’un pouvoir public qui prennent ou conservent un intérêt personnel (liens familiaux, financiers ou affectifs) dans une opération dont ils ont la responsabilité.
Il s’agit donc d’une situation particulière de conflit d’intérêts impliquant des élus ou fonctionnaires dans le cadre de leur mission de service public.
Exemples :
- un élu attribue une subvention à une entreprise dont il est actionnaire
- un élu nomme plusieurs membres de sa famille dans son Administration (c’est ce que l’on appelle le népotisme)
- un élu vend un terrain public à un ami d’enfance
En principe, les personnes en situation de conflit d’intérêts doivent se « déporter » du dossier concerné en le confiant à d’autres responsables.
Le pantouflage est une forme particulière de prise illégale d’intérêt : il s’agit des personnes qui, après avoir eu des responsabilités publiques, intègrent une entreprise privée afin de prodiguer des conseils relatifs à leur ancienne fonction. Le pantouflage n’est autorisé qu’après un délai de trois ans.
Détournement de fonds publics
Le détournement de fonds publics consiste à utiliser des fonds ou des biens publics dans un objectif contraire à l’intérêt de la collectivité.

Exemple : le gouvernement français veut organiser un sommet international dans un pays africain. Il débloque 10 millions d’euros pour le ministère des Affaires étrangères. Le ministre, chargé de l’allocation de cette somme, en récupère une partie via un système de fausses factures.
Il faut noter que l’auteur de l’infraction ne bénéficie pas toujours du détournement de fonds, celui-ci peut être fait au profit de membres de sa famille ou encore de son parti politique (afin de financer une future campagne électorale).
L’emploi fictif est une forme de détournement de fonds, car le budget public est utilisé à des fins privées (salaire d’une personne qui n’exerce aucune activité réelle pour la collectivité).
Favoritisme
Les entités publiques (État, collectivités locales, etc.) passent des contrats avec des entreprises privées pour la réalisation de prestations (ex : exploitation d’un réseau de bus) ou la livraison de biens (ex : construction des nouveaux locaux d’un tribunal).
Les marchés publics ont toujours fait l’objet d’une intense corruption : les entreprises veulent obtenir des marchés pour augmenter leur chiffre d’affaires et sont prêtes à soudoyer des élus pour y parvenir. C’est pourquoi plusieurs règles ont été mises en place pour encadrer l’attribution de ces marchés, avec, notamment, l’obligation de mise en concurrence des entreprises.
Ainsi, en théorie, les entités publiques choisissent les entreprises sur la base de critères objectifs : le montant de leur offre et leurs compétences techniques. Le délit de favoritisme, autrement appelé « octroi d’avantage injustifié », consiste à accorder un marché public à une entreprise sans tenir compte des critères financiers et techniques.
Le favoritisme découle le plus souvent d’un délit de corruption ou de trafic d’influence, car celui qui attribue un marché public doit aussi tirer un avantage de l’opération. Il peut aussi découler d’une prise illégale d’intérêt, si le marché est attribué à un proche par exemple.

Exemple : une mairie doit recourir à une entreprise pour assurer le nettoyage de ses locaux. Elle reçoit trois offres : A, B, et C. Selon des critères objectifs, c’est l’entreprise B qui propose la meilleure prestation avec un prix de 350 000 euros à l’année. Le maire décide cependant de retenir l’entreprise A qui propose 400 000 euros à l’année. En contrepartie, tous les ans, le maire reçoit une enveloppe de 20 000 euros de la part du directeur commercial de l’entreprise A. Il s’agit à la fois de favoritisme et de corruption.
Sources
Transparency International France
(les exemples sont librement inspirés d’affaires réelles)